Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/156

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— Sans nul doute. Car je ne sais pas en vérité pourquoi vous êtes venus ici ; quoiqu’il ne soit pas extraordinaire, j’ai regret de le dire, qu’on éprouve le besoin d’aller encore au delà. Vous ignorez probablement que le vaisseau qui vous amena avec notre ami le général Fladdock est dans le port ?

– Vraiment ! s’écria Martin.

– Oui, et son départ est annoncé pour demain. »

La nouvelle avait de quoi séduire, mais à la manière de Tantale : en effet, Martin savait bien que ce serait en vain qu’il chercherait de l’emploi sur un navire de cette classe. L’argent qu’il possédait en poche n’était pas le quart de la somme qu’il avait empruntée déjà ; et, quand cet argent eût suffi pour payer le double prix du passage, c’est à peine si Martin eût osé l’y dépenser. Il soumit sa position à M. Bevan et lui confia leurs projets.

« Tout cela, dit son ami, n’est pas plus gai qu’Éden. Il faut que vous preniez à bord votre place comme un chrétien ; du moins autant qu’un voyageur de la chambre d’avant peut être logé en chrétien, et que vous me permettiez d’ajouter à votre dette envers moi quelques dollars de plus que vous ne le désiriez. Si Mark veut bien se rendre au vaisseau et voir combien il y a de places retenues, et s’il trouve que vous pourrez y être admis sans courir le risque d’être suffoqués, mon avis est que vous partiez. Jusque-là nous nous tiendrons mutuellement compagnie, vous et moi ; nous n’irons point chez les Norris, à moins que vous ne le désiriez, et nous dînerons tous trois ensemble ce soir. »

Martin ne put qu’exprimer sa reconnaissance et accepter un plan si bien conçu. Cependant il sortit de la chambre après Mark et avisa avec lui à prendre passage sur le Screw, dussent-ils coucher sur le plancher nu du pont : pas n’était besoin de presser beaucoup M. Tapley à cet égard ; il promit avec chaleur d’agir dans ce sens.

Lorsqu’il retrouva Martin, tous deux étant seuls, Mark laissa paraître une vive exaltation : évidemment il avait à faire une communication dont il s’attendait à tirer beaucoup d’honneur.

« J’ai refait M. Bevan, dit Mark.

– Refait M. Bevan ! … répéta Martin.

– Le cuisinier du Screw est parti pour se marier hier, monsieur, » dit M. Tapley.

Le regard de Martin appela une plus ample explication.

« Et quand je me suis rendu à bord, et que le bruit s’y est