Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/161

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avons de mieux à faire est de nous rendre tout droit au Dragon. Il n’y a pas nécessité pour vous, à moins que vous ne le préfériez, de vous montrer en cet endroit où vous êtes connu. Vous pourrez vous arrêter à dix mille de là. Moi je ferai la route entière. Mme Lupin me contera toutes les nouvelles, M. Pinch me fournira tous les renseignements dont nous avons besoin, et il sera fièrement content, M. Pinch, de nous rendre ce service. Je propose donc ceci : partir dès cette après-midi ; nous arrêter quand nous serons fatigués ; monter dans quelque charrette en route quand nous le pourrons ; quand nous ne le pourrons pas, nous servir de nos jambes ; faire cela tout de suite et à bon marché.

– À moins que ce ne soit à bon marché, nous aurions quelque peine à le faire, dit Martin en tirant la bourse et l’étalant dans le creux de sa main.

– Raison de plus pour ne pas perdre de temps, monsieur, répliqua Mark ; attendu que, quand vous aurez vu la jeune dame et appris dans quelles dispositions d’esprit se trouve le vieux gentleman, etc., etc., alors vous saurez ce que vous aurez à faire ensuite.

– Sans doute, dit Martin. Vous avez parfaitement raison. »

Ils portaient l’un et l’autre leur verre à leurs lèvres quand leur main s’arrêta à mi-route : leur regard venait d’être frappé par une figure qui lentement, très-lentement et d’un air très-réfléchi, passait en ce moment sous la fenêtre.

C’était M. Pecksniff. Il était paisible, calme, mais fier, d’une fierté honnête ; vêtu avec un soin particulier, souriant avec plus de douceur encore que d’habitude, réfléchissant aux beautés de son art, abstraction faite de toute sordide pensée de gain, et glissant paisiblement le long du disque lumineux de la croisée, comme Rotomago dans la lanterne magique.

À l’instant où M. Pecksniff allait s’éloigner, une personne venant dans le sens opposé s’arrêta pour le suivre de l’œil avec un profond intérêt et un respect marqué, presque avec vénération ; et l’aubergiste, s’élançant de sa maison comme s’il eût aperçu également le vertueux architecte, rejoignit la personne qui s’était arrêtée, lui parla, secoua aussi la tête avec gravité et contempla également M. Pecksniff.

Martin et Mark restèrent à s’entre-regarder, comme s’ils n’en pouvaient croire leurs yeux : et cependant l’aubergiste était toujours là, et l’autre individu y était de même. En dépit de l’indignation qu’il avait ressentie rien qu’en entrevoyant