Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/166

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clina en signe d’adhésion) me fournira plus d’une occasion de cultiver sa connaissance, et que j’aurai dans l’avenir le bonheur extraordinaire de penser qu’en ce jour j’aurai posé à la fois les deux premières pierres de deux monuments qui dureront autant que ma vie ! »

Nouveaux applaudissements. Pendant tout ce temps, Martin couvrait de malédictions M. Pecksniff et ne savait à quel saint se vouer.

Cependant M. Pecksniff répondit en ces termes :

« Mes amis, mon devoir est de bâtir et non de parler ; d’agir, non de discourir ; de travailler avec le marbre, la pierre et la brique, et non avec le beau langage. Je suis profondément ému. Que Dieu vous bénisse ! »

Cette petite harangue, qui semblait s’échapper du fond du cœur de M. Pecksniff, porta l’enthousiasme jusqu’au plus haut point. Les mouchoirs s’agitèrent de nouveau ; on cria aux jeunes enfants de l’école de Charité de devenir, s’ils le pouvaient, autant de Pecksniffs ; les membres de la corporation, les gentlemen porteurs de baguettes, le député du parlement, tous acclamèrent M. Pecksniff. Trois vivat pour M. Pecksniff ! Encore trois vivat pour M. Pecksniff ! Trois autres encore pour M. Pecksniff, s’il vous plaît, gentlemen ! Un encore, gentlemen, pour M. Pecksniff, et un fameux, pour en finir !

En résumé, M. Pecksniff passa pour avoir accompli une grande œuvre, et il fut récompensé avec cordialité, distinction et libéralité. Lorsque le cortège se remit en marche, et que Martin et Mark se trouvèrent presque seuls sur le terrain, le sujet de la conversation générale c’était le mérite de Pecksniff, et le désir que tout le monde avait de le connaître. Pour un peu, on l’aurait fait passer avant le membre des Communes.

« Comparez avec notre position celle que ce drôle occupe aujourd’hui ! … dit amèrement Martin.

– Dieu vous bénisse ! monsieur, s’écria Mark ; à quoi bon vous échauffer ? Il y a des architectes qui sont habiles à construire les fondations ; il y en a d’autres qui bâtissent sur les fondations lorsqu’elles sont faites. Mais à la fin tout s’arrangera, monsieur, tout s’arrangera !

– Et en attendant…

– En attendant, comme vous dites, monsieur, nous avons bien des choses à faire ; nous avons à aller bien loin. Ainsi, le mot d’ordre c’est « hardi et jovial. »

– Mark, vous êtes le meilleur précepteur qu’il y ait au