Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/192

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
CHAPITRE XII.
Tom Pinch, s’étant égaré en route, trouve qu’il n’est pas le seul qui soit dans cette passe. – Il prend sa revanche sur un ennemi tombé.

Le mauvais génie de Tom ne le conduisit pas dans le repaire d’un de ces confectionneurs de pâtisserie cannibalique qu’on représente dans plus d’une légende populaire comme faisant dans la métropole un grand commerce de détail ; il ne le désigna pas non plus pour être la proie des joueurs de gobelets, coupeurs de bourse, escamoteurs, chevaliers d’industrie et tous autres fripons mieux connus de la police. Il ne lia pas conversation avec quelque gentleman qui l’emmenât dans un cabaret où se serait trouvé un autre gentleman, lequel eût juré qu’il avait plus d’argent qu’aucun gentleman, et n’eût pas tarder à prouver qu’il avait au moins plus d’argent que le gentleman présent, en lui prenant le sien ; il ne tomba pas non plus dans quelqu’un de ces nombreux pièges à hommes, qui, sans aucun avertissement, sont semés sur le sol de cette ville. Mais il se perdit en chemin, ce qui ne fut pas long, et en cherchant à se retrouver, il s’égara de plus en plus.

Cependant Tom, dans sa naïve ignorance de Londres, se croyait bien malin de se donner de garde d’aller demander la direction de Furnival’s-Inn ; à moins toutefois qu’il ne lui arrivât de se trouver près de la Monnaie ou de la Banque d’Angleterre : auquel cas il entrerait et ferait une ou deux questions, confiant dans la parfaite respectabilité des gens de l’établissement. Il marchait donc toujours, regardant au bout de toutes les rues qu’il traversait, et quelquefois les remontant à moitié ; et alors, en quittant sans s’en douter Goswell-Street, il enfilait Aldermanbury sans le savoir, s’égarait dans Barbican, et se retrouvait sans cesse de l’autre côté du centre de London-Wall ; de là, il se jetait à la traverse dans Thames-Street, par un instinct fidèle qui eût été merveilleux si Tom avait eu le moindre désir ou le moindre motif d’aller de ce côté ; voilà comment enfin il se trouva tout près du Monument.

L’Homme du Monument était pour Tom un être aussi mys-