Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/194

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contraire, il était disposé à n’ajouter foi à aucune de ses paroles.

« Mon Dieu ! s’écria derrière M. Pinch une voix bien connue. Pour sûr, c’est lui ! »

En même temps, Tom se sentit frappé dans le dos par le haut d’une ombrelle. Comme il se retournait pour avoir l’explication de ce salut, il aperçut la fille aînée de son ex-patron.

« Miss Pecksniff ! … dit Tom.

– Comment ! ô ciel ! M. Pinch ! … s’écria Cherry. Qu’est-ce que vous faite ici ?

– Je me suis égaré en route, dit Tom. Je…

– J’espère que vous vous êtes sauvé de la maison, dit Charity. Ce serait ma foi bien fait, et on ne pourrait que vous en féliciter, quand papa s’oublie à ce point.

– Je l’ai quitté, répondit Tom. Mais c’était le bon accord des deux côtés. Ce n’est pas du tout une fuite clandestine.

– Est-ce qu’il est marié ? demanda Cherry avec un tremblement nerveux du menton.

– Non… pas encore, dit Tom en rougissant. Pour vous avouer la vérité, je ne crois pas qu’il se marie si… si c’est miss Graham qui est l’objet de sa passion.

– Ta ta ta, monsieur Pinch ! s’écria Charity avec la vivacité de l’impatience ; il est facile de vous en faire accroire. Vous ignorez de quels artifices est capable une pareille créature. Tout ce monde-là ne vaut pas grand’chose.

– Vous n’êtes pas mariée ? demanda Tom, hasardant cette question pour détourner le cours de la conversation.

– Non, non ! … dit Cherry, en dessinant avec le bout de son ombrelle le contour d’un des pavés de l’enceinte du Monument. Je… Mais il est vraiment impossible de s’expliquer ici. Ne voulez-vous pas entrer ?

– Vous demeurez donc par ici ? dit Tom.

– Oui, répondit miss Pecksniff en montrant du bout de son ombrelle la pension bourgeoise, je demeure chez mistress Todgers, pour le moment. »

La façon expressive dont elle avait appuyé sur ces derniers mots fit comprendre à Tom qu’on attendait de lui quelque question à cet égard. Aussi dit-il :

« Pour le moment seulement ! … Devez-vous retourner bientôt chez vous ?

– Non, monsieur Pinch, répondit Charity. Non, je vous remercie. Non ! Une belle-mère qui serait plus jeune que… je