Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/201

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en montant quelques pas, et en tournant du côté de ce cabinet noir que tout le monde ne verrait pas, il y avait une porte secrète avec ce mot : « Femme » écrit sur le bouton ; et Mercy n’avait eu qu’à le tourner légèrement de sa main pour voir la porte s’ouvrir à deux battants et lui offrir un refuge.

Quand les comptes de la pension bourgeoise seront balancés avec tous les autres grands-livres, et que l’inventaire de l’ange chargé des Doit et Avoir aura été dressé pour l’éternité, peut-être un crédit te sera-t-il ouvert là-haut, ô la plus maigre des Todgers, qui te rendra belle comme le jour !

Et elle était déjà si rapidement devenue belle aux yeux de Tom (car il vit qu’elle était pauvre, et que cette pensée lui était venue au sein même des misérables débats de son existence), qu’une minute de plus et il aurait adoré en elle une Vénus, si miss Pecksniff n’était entrée avec son ami.

« Monsieur Thomas Pinch, M. Moddle, dit Charity, accomplissant avec un orgueil visible la cérémonie de la présentation. Où est ma sœur ?

– Elle est partie, miss Pecksniff, répondit mistress Todgers, elle était attendue chez elle.

– Ah ! soupira Charity regardant Tom. Ô mon Dieu !

– Elle est bien changée depuis qu’elle est à un autre… depuis qu’elle est mariée, mistress Todgers, dit Moddle.

– Mon cher Auguste, dit miss Pecksniff à voix basse, vous avez déjà répété cela cinquante mille fois devant moi. Que vous êtes prosaïque ! … »

Cela fut suivi d’un échange de petits mots d’amour, presque tous du cru de miss Pecksniff ; il n’y avait pas grand écho de l’autre côté. En tout cas, M. Moddle répondait d’une manière beaucoup moins empressée que la plupart des jeunes amoureux, et laisser percer un abattement d’esprit qui ressemblait à un complet accablement.

Il ne se ranima pas le moins du monde quand Tom et lui se trouvèrent dans la rue, mais il se mit à soupirer si profondément qu’il était effrayant à entendre. Afin de le relever un peu, Tom lui adressa le souhait ordinaire qu’on fait aux amoureux : « Allons ! bien de la joie !

– De la joie ! … s’écria Moddle. Ha ! ha !

– Quel jeune homme extraordinaire ! pensa Tom.

– Le grand mystificateur ne vous a pas marqué de son sceau, dit Moddle. Est-ce que vous vous inquiétez de ce que vous pouvez devenir ? »