Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/202

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Tom avoua que c’était un sujet qui l’intéressait jusqu’à un certain point.

« Ah bien ! moi, pas, dit M. Moddle. Les Éléments peuvent me prendre quand il leur plaira. Je suis prêt. »

Tom conclut de ces expressions, et de plusieurs autres de même nature, que M. Moddle était jaloux. En conséquence, il l’abandonna à son humeur si chagrine vraiment, qu’il se sentit l’esprit dégagé d’un poids énorme lorsqu’il se sépara de son compagnon de route devant la porte de Furnival’s-Inn.

Il y avait bien deux heures que le dîner de John Westlock refroidissait ; et Westlock parcourait la chambre en tous sens, inquiet de ce que Tom pouvait être devenu. Le couvert était mis ; le vin avait été transvasé soigneusement dans les carafes ; le dîner exhalait un fumet délicieux.

« Eh bien, mon vieux Tom, à quel bout du monde avez-vous donc été ? Votre malle est arrivée. Ôtez vite vos bottes et asseyez-vous.

– Je regrette d’avoir à vous dire que je ne puis rester, répliqua Tom Pinch, tout essoufflé par la précipitation avec laquelle il avait monté l’escalier.

– Vous ne pouvez pas rester !

– Si vous voulez toujours vous mettre à dîner, pendant ce temps-là je vous dirai pourquoi. Mais moi, je ne peux pas dîner avec vous : je n’aurais plus d’appétit pour les côtelettes.

– Mais il n’y a pas ici de côtelettes, mon bon ami.

– Non sans doute, mais il y en a à Islington. »

John Westlock demeura confondu devant cette réponse, et jura qu’il ne prendrait pas une bouchée que Tom ne se fût expliqué positivement. Tom s’assit donc et fit un récit complet, que John écouta avec le plus vif intérêt.

Il connaissait trop bien Tom et respectait trop sa délicatesse pour lui demander comment il avait pu prendre tous ces arrangements sans commencer par lui en parler. Il fut tout le premier à juger convenable que Tom retournât immédiatement auprès de sa sœur, attendu qu’il connaissait à peine le quartier où il l’avait laissée ; il lui proposa de bonne grâce de l’accompagner en fiacre et de transporter ainsi sa malle. Tom l’ayant invité, de son côté, à vouloir bien souper ce soir-là avec eux, il refusa tout net ; mais il accepta pour le lendemain.

« Et maintenant, Tom, dit-il, tandis qu’ils roulaient en fiacre, j’ai à vous adresser une question pour laquelle j’at-