Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/207

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pas improbable que tout ce manège se rattachât secrètement à quelque grand complot ténébreux que M. Nadgett avait en tête.

Le matin du jour même où Tom Pinch avait eu tant d’aventures, au moment où les horloges sonnaient neuf heures, Nadgett parut soudainement dans Pall Mall, devant la maison de M. Montague… Il apparaissait toujours subitement comme s’il sortait d’une trappe. Il sonna à la dérobée, comme s’il faisait un mauvais coup ; puis, quand la porte fut suffisamment entrebâillée pour permettre à son corps de passer, il se glissa dans la maison. Aussitôt qu’il y fut entré, il ferma la porte de ses propres mains.

M. Bailey monta l’annoncer sans délai, et revint le prier de le suivre dans la chambre de son maître. Le président de la Compagnie anglo-bengalaise d’assurances et de crédit désintéressé s’habillait en ce moment, et reçut Nadgett comme on reçoit un agent qui va et vient continuellement, et qu’on admet à toute heure dans l’intérêt des affaires.

« Eh bien, monsieur Nadgett ?

– Je crois que nous avons enfin quelques nouvelles, monsieur.

– J’en suis bien aise. Je commençais à craindre que vous n’eussiez perdu la trace, monsieur Nadgett.

– Non, monsieur. Parfois elle est moins fraîche et moins facile à suivre. On n’y peut rien.

– Vous parlez comme un livre, monsieur Nadgett. Avez-vous un grand succès à m’annoncer ?

– C’est vous qui en jugerez, répondit M. Nadgett en mettant ses lunettes.

– Qu’en pensez-vous, vous-même ? Êtes-vous content ? »

M. Nadgett se frotta lentement les mains, se caressa le menton, regarda autour de la chambre, et dit :

« Oui, oui, je crois que l’affaire est bonne, je suis porté à croire que l’affaire est bonne. Voulez-vous que nous nous y mettions tout de suite ?

– Sans aucun doute. »