Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/210

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nent…. Mais je crois qu’on vient de frapper. Ayez l’obligeance de regarder par la fenêtre et de me dire s’il y a quelqu’un à la porte. »

M. Nadgett leva doucement la fenêtre, et passa furtivement la tête dehors, comme un homme qui jette un coup d’œil dans une rue d’où on s’attend, d’un moment à l’autre, à entendre une fusillade. Retirant la tête avec la même précaution, il dit, sans la moindre altération dans la voix ou dans les manières :

« C’est M. Jonas Chuzzlewit !

– Je m’en doutais, répliqua Tigg.

– Faut-il que je m’en aille ?

– Je crois que vous feriez bien. Arrêtez, pourtant ! Non ! restez ici, monsieur Nadgett, s’il vous plaît. »

En un instant Montague était devenu singulièrement pâle et agité. Il n’y avait rien qui pût motiver une semblable émotion. Son regard était tombé sur ses rasoirs : mais ça ne veut rien dire.

On annonça M. Chuzzlewit.

« Faites-le monter immédiatement. Nadgett, ne nous laissez pas seuls ensemble surtout ! Vrai Dieu ! ajouta-t-il tout bas, on ne sait pas ce qui peut arriver. »

En même temps il prit à la hâte deux brosses à cheveux et commença à les faire fonctionner sur sa tête, comme si sa toilette n’eût pas été interrompue. M. Nadgett se retira près du poêle, dans lequel on avait fait un peu de feu pour chauffer les fers à friser ; et, ne voulant pas perdre une occasion si favorable de sécher son mouchoir, il le tira de sa poche sans retard. Il le tint étendu devant la grille, pendant tout le temps que dura l’entrevue, et quelquefois, mais pas souvent, il regardait par-dessus son épaule.

« Mon cher Chuzzlewit ! s’écria Montague, au moment où Jonas entrait, vous vous levez avec l’alouette ! Bien que vous ne vous couchiez pas avant le rossignol, vous vous levez avec l’alouette ! Vous avez une énergie surhumaine, mon cher Chuzzlewit !

– Bah ! dit Jonas, s’asseyant avec un air d’ennui et de mauvaise humeur, je serais bien aise de ne pas me lever avec l’alouette si je pouvais faire autrement. Mais j’ai le sommeil léger, et il vaut mieux se lever que de rester éveillé dans son lit, à compter les heures à tous les carillons des vieilles horloges des églises d’alentour.