Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/224

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vivement éveillé que celui de son frère même ; naturellement je le priai de continuer, et je lui dis que je me chargerais de vous voir immédiatement. Il me répondit qu’il avait très-peu de chose à dire, parce qu’il n’était pas grand parleur, et qu’il n’aimait pas les paroles inutiles. C’est ce qu’il me prouva, en commençant immédiatement à m’apprendre qu’un de ses amis avait besoin d’une espèce de secrétaire bibliothécaire ; que les appointements étaient minimes, ne se montant qu’à cent guinées par an, sans le logement ni la nourriture, mais qu’en revanche la besogne n’était pas forte, et que la place était vacante et toute prête si vous vouliez l’accepter.

— Mon Dieu ! s’écria Tom ; cent guinées par an ! Mon cher John ! ma petite Ruth ! cent guinées par an !

— Mais ce qu’il y a de plus drôle dans mon histoire, continua John en saisissant le poignet de Tom pour fixer son attention et réprimer pour le moment l’excès de son enthousiasme ; ce qu’il y a de plus drôle dans mon histoire, miss Pinch, c’est que je ne connais cet homme ni d’Ève ni d’Adam et que lui-même ne connaît point votre frère.

— Il ne peut pas me connaître, s’il est de Londres, dit Tom fort intrigué. Je ne connais personne à Londres.

— Et quand je lui dis, reprit John, tenant toujours le poignet de son ami, quand je lui dis que sans doute il excuserait la liberté que je prenais de lui demander qui l’avait adressé à moi, comment il avait appris le changement qui s’était opéré dans la position de mon ami, et comment il savait que mon ami fût propre à remplir un emploi tel que celui dont il parlait, il me répondit sèchement qu’il n’était pas libre de me donner des explications.

— Pas libre de donner des explications ! » répéta Tom en respirant avec effort.

John continua :

« Vous devez parfaitement savoir, dit ce monsieur, que toute personne ayant habité le voisinage de M. Pecksniff connaît nécessairement M. Thomas Pinch et ses talents, aussi bien que le clocher de l’église ou l’auberge du Dragon bleu.

— L’auberge du Dragon bleu ! s’écria Tom ; et il regarda alternativement son ami et sa sœur.

— Oui ; figurez-vous qu’il parla aussi familièrement du Dragon bleu que s’il eût été Mark Tapley. J’ai ouvert de grands yeux, je vous en réponds ; et pourtant je ne crois pas avoir