Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/235

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Tu fus simple encore, Tom, quoique d’une tout autre simplicité, de montrer tant d’empressement à l’endroit de ce théâtre dont parla John après le thé, disant qu’il avait l’autorisation d’y conduire autant de personnes qu’il voudrait, sans qu’il lui en coûtât un sou ; et bien plus simple encore de ne pas te douter que c’était pour payer les places qu’il y était entré tout seul d’abord. Quelle simplicité encore, cher Tom, de rire et de pleurer de si bon cœur, en voyant un si fameux spectacle, avec de si pauvres acteurs ! Quelle simplicité d’être si content et si loquace en revenant du théâtre avec Ruth ! Et quelle simplicité encore d’éprouver tant de surprise en trouvant, le lendemain matin, dans le salon, le petit cadeau d’un livre de cuisine qui attendait Ruth, et don la page consacrée au pouding de bifteck était repliée et biffée ! La nature de ton âme était simple, très-simple, d’une simplicité qui ferait hausser les épaules à bien des gens, brave Tom !


CHAPITRE XV.
Tom Pinch et sa sœur font une nouvelle connaissance, et tombent de surprise en surprise.


Il y avait, dans ces chambres inhabitées du Temple et dans toutes les fonctions que Tom y exerçait, quelque chose de surnaturel et de mystérieux qui possédait un charme étrange. Tous les matins, quand il fermait sa porte à Islington, et qu’il se tournait vers la fumée de Londres, il se sentait en même temps environné d’une atmosphère enchantée, et dès cet instant cette atmosphère s’épaississait d’heure en heure autour de lui, jusqu’au moment où il revenait à Islington, laissant cette nuée immobile derrière lui. Chaque matin, Tom s’approchait progressivement de cette brume mystique, et peu à peu, par degrés presque imperceptibles, elle enveloppait tout son être. D’abord, il quittait le bruit et le tumulte des rues pour entrer dans les cours silencieuses du Temple. Chacun de ses pas résonnait à son oreille comme une voix sortant des vieux murs et des vieilles dalles, une voix à laquelle il manquait un langage pour lui raconter les annales de ces antiques appartements,