Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/280

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

préparées, ainsi que le tire-bottes ; de larges tranches de jambon rissolaient sur le gril ; une demi-douzaine d’œufs pochés étaient en train de frire dans la poêle ; sur la table, une bouteille pansue de cerises à l’eau-de-vie faisait vis-à-vis à une choppe de bière mousseuse ; des comestibles appétissants pendillaient aux poutres du plafond : on aurait dit qu’il n’y avait qu’à ouvrir la bouche pour que quelque chose d’exquis fût trop content de l’occasion de s’y laisser choir. Mme Lupin, qui, pour l’amour de nos voyageurs, avait délogé jusqu’à la cuisinière, la grande prêtresse de ce temple, préparait elle-même leur repas de ses mains bienfaisantes.

Comment vouliez-vous qu’on résistât à cela ? c’est impossible : un revenant lui-même l’aurait pressée dans ses bras ; c’eût été plus fort que lui : c’est ce que Martin fit sur-le-champ. M. Tapley (comme si c’eût été une idée toute nouvelle et qui ne lui fût jamais venue à l’esprit), M. Tapley en fit gravement autant de son côté.

« Quoique j’aie dit bien souvent, fit mistress Lupin, et elle rajusta son bonnet en riant de bon cœur, oui, et en rougissant aussi ; quoique j’aie dit bien souvent que les jeunes gens de chez M. Pecksniff étaient la vie et l’âme du Dragon, et que sans eux la maison serait triste comme un bonnet de nuit, je n’aurais guère pensé que l’un d’eux se serait permis ça, monsieur Martin ! Et encore moins que, loin d’être en colère contre lui, je serais heureuse d’être la première à lui souhaiter de tout mon cœur sa bienvenue à son retour d’Amérique avec Mark Tapley pour…

– Pour ami, mistress Lupin, interrompit vivement Martin.

– Pour ami, dit l’hôtesse, évidemment flattée, mais faisant néanmoins signe, avec une fourchette, à M. Tapley, de se tenir à une distance respectueuse. Je n’aurais jamais cru ça ! mais encore moins aurais-je cru qu’il me faudrait raconter des vicissitudes pareilles à celles dont je vous parlerai quand vous aurez fini votre souper !

– Grand Dieu ! s’écria Martin ; et il changea de couleur. Quelles vicissitudes ?

– Elle se porte bien, dit l’hôtesse, et elle est maintenant chez M. Pecksniff. Ne vous tourmentez pas sur son compte. Elle est telle que vous pouvez la souhaiter. Il est inutile de mettre des gants ou de faire des mystères, n’est-ce pas ? ajouta Mme Lupin, car vous voyez que je connais toute l’affaire.

– Ma bonne chère femme, répliqua Martin, vous êtes juste-