Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/279

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qui l’avait dérangée. Bien que Martin et Mark fussent impatients, trempés et fatigués, leurs cœurs bondirent à la vue de ces visages qui leur étaient bien connus ; et, lorsqu’ils les virent quitter la maison et passer près d’eux, leur yeux charmés les suivirent avec un vif intérêt.

« Voilà le vieux tailleur, Mark ! dit tout bas Martin.

– C’est lui-même, monsieur ! un peu plus bancal qu’autrefois, n’est-ce pas ? Il me semble qu’on pourrait maintenant lui faire rouler entre les jambes, sans l’empêcher de marcher, une brouette plus large que lorsque nous l’avons connu dans le temps. Tenez, voilà Sam qui sort, monsieur !

– Ah ! oui, en effet ! s’écria Martin : Sam le palefrenier. Je voudrais bien savoir si le cheval de Pecksniff vit encore ?

– Sans aucun doute, monsieur, répliqua Mark. Ça, voyez-vous, c’est un genre d’animal osseux qui durera longtemps dans sa maigreur, et qui finira par se faire mettre dans les journaux sous le titre de : Longévité extraordinaire chez un quadrupède, comme s’il n’avait jamais été véritablement vivant depuis qu’il existe ! Voilà le sacristain, monsieur, mort-ivre, comme d’habitude.

– Je le vois ! dit Martin en riant. Mais, mon Dieu, Mark, comme vous êtes mouillé !

– Moi, monsieur ? Et vous-même, donc !

– Pas à beaucoup près autant que vous, dit son compagnon de voyage d’un air très-contrarié. Je vous avais dit de ne pas rester du côté du vent, et de changer de place avec moi de temps en temps. Vous avez reçu la pluie en plein depuis le commencement de l’orage.

– Vous ne savez pas le plaisir que ça me fait, monsieur, sauf votre respect, dit Mark, après un moment de silence, de vous voir me montrer comme ça tant de considération. Je ne veux pas en profiter, monsieur, jamais ; mais ça n’empêche pas que vous avez été comme ça pour moi depuis le moment où j’ai été malade dans l’Éden.

– Ah ! Mark, dit Martin en soupirant, moins nous en parlerons, mieux cela vaudra. Ne vois-je pas la lumière là-bas ?

– C’est bien la lumière ! s’écria Mark. Que le bon Dieu la bénisse ! Comme elle est vive ! Nous y voilà, monsieur ! Bon vin, bons lits et bon gîte, à pied et à cheval, pour l’homme et la bête ! »

Le feu de la cuisine était clair et ardent, le couvert était mis, l’eau chantait dans la bouilloire, les pantoufles étaient