Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/309

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Ils paraissaient avoir de nouveau changé de note : Montague était fort joyeux, tandis que Jonas était sombre et morose.

« Je suppose que vous n’avez pas besoin de moi ? dit Jonas.

– J’ai besoin que vous mettiez votre nom ici, répondit Montague (et il sourit en le regardant), aussitôt que j’aurai rempli cette lettre de change. Que vous paraphiez de votre main ce nouveau succès, c’est tout ce dont j’ai besoin. Si vous désirez vous en retourner chez vous, je puis maintenant me charger tout seul de M. Pecksniff. Il y a une parfaite entente entre nous. »

Pendant qu’il écrivait, Jonas le regardait en silence d’un air sournois. Quand il eut fini et qu’il eut séché l’encre sur le papier brouillard de son pupitre de voyage, il leva les yeux et jeta la plume à Jonas.

« Quoi ! pas un jour de répit, pas un jour de confiance ? dit ce dernier avec amertume. Après tout le mal que je me suis donné ce soir !

– Le mal que vous vous êtes donné ce soir était une partie de notre marché, répliqua Montague, et ceci aussi.

– Vous me faites un marché bien dur, dit Jonas, en s’approchant de la table. Enfin, vous êtes le meilleur juge. Passez-moi ça ! »

Montague lui donna le papier. Après s’être arrêté, comme s’il ne pouvait se décider à y mettre son nom, Jonas trempa précipitamment sa plume dans l’encrier le plus proche, et commença à écrire. Mais à peine avait-il tracé quelques lettres sur le papier, qu’il tressaillit et recula avec effroi.

« Que diable y a-t-il là ? dit-il. C’est du sang ! »

Il avait trempé sa plume dans de l’encre rouge, et il s’en aperçut presque aussitôt. Mais il attacha une singulière importance à cette méprise. Il demanda comment cette encre se trouvait là, qui est-ce qui l’avait apportée, et pourquoi ; et il regarda Montague, comme s’il se croyait victime de quelque mystification. Même lorsqu’il se servit d’une autre plume et d’une autre encre, il traça d’abord quelques paraphes sur un morceau de papier, s’attendant presque à les voir rouges aussi.

« C’est assez noir de ce coup-ci, dit-il en tendant le billet à Montague. Adieu !

– Vous partez ? Comment allez-vous vous en aller ?