Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/336

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dant ce principe contre les gens mêmes qui ont fait les usages reconnus, comme s’ils n’en étaient pas meilleurs juges que qui que ce soit.

« Ah ! monsieur Pinch, dit miss Pecksniff, c’est ce malheureux mariage qui est cause de tout cela. Si ma sœur n’avait pas agi si précipitamment, et ne s’était pas unie à un misérable, il n’y aurait pas eu de M. Chuffey dans la maison.

– Chut ! s’écria Tom. Elle n’aurait qu’à vous entendre.

– Je serais désolée qu’elle m’entendit, monsieur Pinch, dit Cherry en élevant un peu la voix : car il n’est pas dans mon caractère d’aggraver les peines de qui que ce soit ; encore moins celles de ma propre sœur. Je sais quels sont les devoirs d’une sœur, monsieur Pinch, et j’espère les avoir toujours mis en pratique. Auguste, mon cher enfant, cherchez mon mouchoir, vous me le donnerez. »

Auguste obéit et tira mistress Todgers à l’écart, pour verser ses douleurs dans le sein d’une amie.

« Ah ! monsieur Pinch, dit Charity en regardant alternativement son fiancé et sa sœur, je devrais être bien reconnaissante envers la Providence pour les bienfaits dont je jouis, et pour ceux qui m’attendent encore. Quand je compare Auguste (ici elle devint modeste et embarrassée), qui, je puis vous le dire à vous, est la douceur en personne, avec l’homme détestable que ma sœur a épousé, et quand je pense que, dans les lois naturelles de ce monde, l’ordre de nos positions aurait pu être renversé ; je sens que, véritablement, je dois être reconnaissante, humble et satisfaite. »

Elle était peut-être satisfaite ; mais elle n’était certes pas humble. Sa figure et ses manières exprimaient quelque chose de si contraire à l’humilité, que Tom ne put s’empêcher de deviner et de mépriser les vils motifs qui agitaient son cœur. Il s’éloigna et dit à Ruth qu’il était temps de s’en aller.

« J’écrirai à votre mari, dit Tom à Merry, et je lui expliquerai, comme je l’aurais fait si je l’avais rencontré ici, que, s’il a eu à souffrir quelque contrariété par mon fait, ce n’est toujours pas par ma faute. Un facteur n’est pas plus innocent des nouvelles qu’il apporte, que je ne l’étais en lui remettant cette lettre.

– Je vous remercie ! dit Merry. Peut-être cela fera-t-il quelque bien. Le ciel vous bénisse ! »

Elle se sépara affectueusement de Ruth, qui était sur le point de quitter la chambre avec son frère, lorsqu’on entendit le bruit