Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/337

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d’une clef dans la serrure de la porte d’entrée, et puis un pas rapide qui traversa le vestibule. Tom s’arrêta et regarda Merry.

« C’est Jonas, dit-elle timidement.

– Il vaut mieux peut-être que je ne le rencontre point sur l’escalier, dit Tom, passant le bras de sa sœur sous le sien et se reculant de quelques pas. Je vais l’attendre ici un instant. »

Il avait à peine dit ces mots, que la porte s’ouvrit, et Jonas entra. Sa femme s’avança pour le recevoir ; mais il l’éloigna de la main, en disant d’un ton bourru :

« Je ne savais pas que vous eussiez une soirée. »

En parlant ainsi, il regarda, soit par hasard soit à dessein, du côté de miss Pecksniff, qui, trop heureuse d’avoir une occasion de se quereller avec lui, prit la mouche sur-le-champ.

« Ah ! vraiment ! dit-elle en se levant. Nous ne voulons pas troubler votre bonheur domestique ! Ce serait dommage. Nous avons pris le thé ici, monsieur, en votre absence ; mais, si vous voulez avoir la bonté de nous envoyer une facture acquittée, nous serons heureux de vous en rembourser les frais. Auguste, mon chéri, allons-nous-en, s’il vous plaît. Mistress Todgers, à moins que vous ne désiriez rester ici, nous serons charmés de vous emmener avec nous. Ce serait grand dommage, vraiment, de gâter la joie que monsieur amène toujours à sa suite, surtout quand il rentre dans son ménage.

– Charity ! Charity ! s’écria sa sœur d’un accent de reproche déchirant qui semblait la conjurer de faire preuve de la vertu cardinale dont elle portait le nom.

– Ma chère Merry, je vous suis reconnaissante de vos avis, répondit miss Pecksniff avec un mépris majestueux (Merry ne lui avait donné aucun avis) ; mais je ne suis pas son esclave, moi…

– Non ; et vous n’auriez pas voulu l’être si vous aviez pu, n’est-ce pas ? interrompit Jonas. Nous savons ce que nous savons.

– Qu’avez-vous dit, monsieur ? dit miss Pecksniff avec aigreur.

– N’avez-vous pas entendu ? repartit Jonas en s’étendant dans un fauteuil. Je n’ai pas envie de le répéter. Si vous voulez rester, restez. Si vous voulez vous en aller, allez-vous-en. Mais si vous restez, soyez polie, s’il vous plaît.

– Animal ! s’écria miss Pecksniff en passant devant lui d’un air dédaigneux. Auguste ! calmez-vous, il ne vaut pas la peine que vous vous fâchiez. »