Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/360

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mence à en douter. Il faut que j’aie une explication avec lui, quand je pourrai réussir à l’attraper, » ajouta Tom, secouant la tête comme s’il venait de proférer une menace terrible.

Un double coup sec appliqué à la porte mit en fuite les dispositions menaçantes de Tom et y fit succéder une expression de surprise.

« Hé ! dit Tom. Il est de bonne heure pour les visites ! Ce doit être John, je présume.

– Je… je ne pense pas, Tom, que ce soit sa manière de frapper, fit observer la petite sœur.

– Non ? dit Tom. Sûrement ce ne peut être mon patron qui serait arrivé tout à coup à Londres et qui, envoyé ici par M. Fips, viendrait me demander la clef du bureau. C’est quelqu’un qui me demande, voilà ce qu’il y a de certain. Entrez, s’il vous plaît ! »

Mais quand le visiteur entra, Tom Pinch, au lieu de dire : « Désirez-vous me parler, monsieur ? » Ou bien : « Je me nomme Pinch. Qu’y a-t-il pour votre service, s’il vous plaît, monsieur ? » Ou enfin de lui adresser quelque parole aussi insignifiante, s’écria : « Grand Dieu ! » et le saisit par les deux mains avec les plus vives manifestations d’étonnement et de plaisir.

Le visiteur n’était pas moins ému que Tom lui-même, et ils se pressèrent les mains un grand nombre de fois, sans pouvoir de part ni d’autre proférer un seul mot. Ce fut Tom qui le premier recouvra l’usage de la voix.

« Et Mark Tapley aussi ! … dit-il en s’élançant vers la porte et secouant encore les mains de quelqu’un. Mon cher Mark, entrez. Comment cela va-t-il, Mark ? Il n’a pas l’air plus vieux d’un jour que lorsqu’il était au Dragon. Comment cela va-t-il, Mark ?

– Plus jovial que jamais ; merci, monsieur, répondit Tapley, se confondant en sourires et salutations. J’espère vous trouver en bonne santé, monsieur.

– Grand Dieu ! s’écria Tom, en lui caressant affectueusement l’épaule ; quel délice d’entendre de nouveau cette bonne voix ! Mon cher Martin, asseyez-vous. Je vous présente ma sœur, Martin. Monsieur Chuzzlewit, ma chère. Mark Tapley, du Dragon, ma mignonne. Bonté du ciel ! quelle surprise ? Asseyez-vous. Je n’en puis croire mes yeux. »

Tom était dans un tel état d’exaltation qu’il ne pouvait rester immobile un seul moment. Sans cesse il courait de Mark