Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/381

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veux que ce soit du meilleur et servi à la minute, quand l’heure sonne ; autrement, nous ne nous quittons pas bons amis, et je garde toujours cela sur le cœur. »

Ses préparatifs étaient donc, comme elle venait de le dire, des meilleurs, car ils comprenaient un bon petit pain tendre, une assiette de beurre frais, un bol de beau sucre blanc et autres agréments pareils. Le tabac même, dont elle prit une pincée pour se rafraîchir, était de si bonne qualité qu’elle en huma une seconde prise.

« Voici la petite sonnette qui carillonne, dit mistress Gamp se précipitant sur l’escalier et regardant par dessus la rampe. Betsey Prig, ma… Eh quoi ! c’est ce Sweedlepipe de malheur, je crois !

– Oui, c’est moi, dit doucement le barbier ; je viens de rentrer.

– Vous rentrez toujours, j’imagine, grommela entre ses dents mistress Gamp, excepté quand vous sortez. Je ne peux pas souffrir cet homme-là.

– Mistress Gamp ! dit le barbier. Mistress Gamp !

– Eh bien ! s’écria Mme Gamp d’un ton de mauvaise humeur en descendant l’escalier. Qu’est-ce qu’il y a ? Est-ce que le feu est à la Tamise ? Est-ce qu’elle frit elle-même ses propres poissons, monsieur Sweedlepipe ? … Mais qu’est-ce qui lui est donc arrivé ? … Il est blanc comme de la craie ! »

Elle achevait cette dernière question, quand elle trouva au bas de l’escalier le barbier pâle et défait, dans son grand fauteuil à raser.

« Vous vous souvenez… dit Poll, vous vous souvenez du jeune…

– Pas du jeune Wilkins ! s’écria Mme Gamp. N’allez toujours pas me parler du jeune Wilkins. Si la femme du jeune Wilkins est prise de…

– Il ne s’agit de la femme de personne ! s’écria à son tour le petit barbier. Bailey… le jeune Bailey ! …

– Eh bien ! quoi ? repartit aigrement mistress Gamp. Voulez-vous dire que ce gamin-là a fait quelque escapade, quelque folie, monsieur Sweedlepipe ?

– Il n’a pas fait la moindre chose ! s’écria le pauvre Poll tout désespéré. Pourquoi me pressez-vous ainsi, quand vous me voyez hors de moi et presque incapable de parler ? … Il ne fera plus rien dorénavant. Tout est fini pour lui. Il est tué… La première fois que je vis cet enfant, je lui pris trop cher