— Parfaitement pané, » dit Jonas.
M. Montague lui montra la rue où Bailey l’attendait avec le cabriolet.
« C’est gentil, on peut même dire brillant. Eh bien ! devinez à qui cela appartient ?
– Je n’en sais rien.
– À moi. Comment trouvez-vous cet appartement ?
– Il doit avoir coûté beaucoup d’argent, dit Jonas.
– Vous avez raison. Il est à moi aussi. »
Tigg ajouta à voix basse en le poussant un peu du coude :
« Pourquoi ne prendriez-vous pas des assurances, au lieu d’en payer ? Voilà ce que devrait faire un homme comme vous. Associons-nous ! »
Jonas le regarda tout stupéfait :
« Trouvez-vous qu’il y ait assez de monde dans cette rue ? demanda Montague, appelant son attention sur la foule qui se pressait au dehors.
– En masse, dit Jonas, qui jeta sur la rue un coup d’œil rapide et reporta aussitôt après son attention sur Tigg.
– Il y a, dit ce dernier, des tableaux de statistique d’après lesquels vous pouvez savoir, à peu de chose près, combien de personnes vont et viennent dans cette rue du matin au soir. Je puis vous dire combien il y en a qui entrent ici, par la seule raison qu’il y a un bureau, sans rien en savoir de plus que s’il s’agissait des pyramides. Ah ! ah ! ah ! associons-nous. Vous serez à bon marché dans l’affaire. »
Jonas le regardait, de plus en plus ébahi.
« Je puis vous dire, ajouta Tigg à demi-voix, combien d’entre eux achèteront des annuités, prendront des assurances, nous apporteront leur argent sous milles formes, de mille manières, nous forceront à l’accepter, mettront leur confiance en nous comme si nous étions l’Hôtel de la Monnaie ; et pourtant ils ne nous connaissent pas plus que vous ne connaissez le balayeur du coin de la rue ; moins encore peut-être. Ha ! ha ! ha ! »
Peu à peu Jonas se laissa aller à sourire.
« Yah ! dit Montague en lui donnant dans la poitrine un coup amical ; vous êtes trop fort pour nous, mon vieux chien. Sans cela, je ne vous eusse pas mis ainsi dans la confidence. Voulez-vous dîner avec moi demain dans Pall Mall ?
– Volontiers, dit Jonas.
– C’est bien entendu, s’écria Montague. Attendez un peu.