Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/431

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espérer raisonnablement lui faire honte quand vous aviez déjà si bien pris les devants. J’avais oublié cela. »

Jonas répéta son regard et son geste.

« Jack ! dit Slyme.

– Plaît-il ? dit l’agent.

– Allez à la porte attendre la voiture. Vous appellerez lorsqu’elle arrivera. Il est bon que vous soyez là. »

Quand l’homme fut parti, Slyme ajouta en se tournant vivement vers Jonas :

« Eh bien ! … maintenant, qu’est-ce que c’est ? »

Jonas essaya de se lever.

« Attendez un peu, dit Slyme ; ce n’est pas chose aisée avec les menottes que vous avez aux poignets. Debout ! up ! … De quoi s’agit-il ?

– Mettez votre main dans ma poche. Ici ! la poche de gauche sur la poitrine. »

Slyme fit ce qui lui était dit, et tira de la poche une bourse.

« Il y a là dedans cent guinées, » dit Jonas, dont le langage était à peine intelligible, de même que la pâleur livide et l’agonie de ses traits ôtaient à son visage presque tout caractère humain.

Slyme le contempla, lui remit sa bourse entre les mains et secoua la tête.

« Je ne puis… Je n’ose… Je ne pourrais, quand bien même j’oserais. Les camarades d’en bas…

– La fuite est impossible ! dit Jonas. Je le sais. Cent guinées pour cinq minutes seulement dans la chambre voisine !

– Pour quoi faire ? » demanda Slyme.

Quand le prisonnier avança son visage pour parler à l’oreille de Slyme, celui-ci recula involontairement d’épouvante. Cependant il revint et écouta Jonas. Peu de mots furent prononcés ; mais, lorsque Slyme les entendit, son visage se décomposa à son tour.

« Je l’ai sur moi, dit Jonas, qui porta ses mains à sa gorge, comme si la chose à laquelle il faisait allusion se trouvait renfermée dans sa cravate. Comment supposer que vous le saviez ? Vous ne pouviez pas le savoir. Cent guinées, rien que pour cinq minutes, dans la chambre voisine ! Le temps se passe ! … Parlez !

– Ce serait plus… plus honorable pour la famille, murmura Slyme, dont les lèvres tremblaient. Je regrette que vous ne m’en ayez pas parlé plus tôt à demi-mot, cela aurait mieux