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l'étui dans sa poche. Cela fait, il considéra sans ses lunettes le papier placé sous ses yeux, et en même temps il tira son portefeuille d’un endroit écarté qui devait exister vers le milieu de son épine dorsale. Tout vaste qu’il était, ce portefeuille était bourré de pièces diverses ; mais Nadgett y trouva une place pour le nouveau document. Après avoir fermé soigneusement son portefeuille, il le replongea par un tour de main solennel dans la région secrète d’où il l’avait exhibé.

Il se retira en saluant de nouveau et sans prononcer une seule parole, n’ouvrant de la porte que juste ce qu’il lui fallait pour passer, et la refermant avec le même soin qu’il avait mis à la fermer précédemment. Le président du Conseil employa le reste de la matinée à apposer sa signature en témoignage du bon accueil fait à diverses demandes nouvelles de placements à rentes viagères et d’assurances. La Compagnie prenait, à ce qu’il paraît, un bel essor, car les demandes pleuvaient gentiment.


CHAPITRE III.
M. Montague chez lui. – M. Jonas Chuzzlewit chez lui aussi.

Il y avait bien des motifs puissants pour que Jonas Chuzzlewit fût fortement prévenu en faveur du plan que le grand inventeur avait si hardiment étalé sous ses yeux ; mais parmi ces motifs, il s’en trouvait trois dominants : 1° Il y avait de l’argent à gagner par ce moyen. 2° Cet argent avait le charme particulier d’être adroitement acquis aux dépens d’autrui. 3° Ce plan lui promettait dans le monde honneur et considération, un Conseil étant dans sa sphère particulière une institution importante, et le directeur un homme puissant. « Faire un bénéfice considérable, avoir sous ses ordres une troupe de subalternes, se produire de toute façon dans la bonne société, et tout cela sans se donner la moindre peine, ce n’est pas une trop mauvaise perspective, » pensait Jonas. Ces dernières considérations ne le cédaient qu’à son avarice : car Jonas, sachant bien qu’il n’y avait ni dans sa personne, ni dans sa conduite, ni dans son caractère, ni dans ses actions, rien qui