Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/469

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de Jonas était, selon elle, un jugement de Dieu pour punir ces dissensions intestines. Et ce qui confirmait particulièrement miss Pecksniff dans cette opinion, c’est qu’elle n’avait ressenti pour elle-même qu’une légère atteinte du coup porté à la famille.

Par manière d’holocauste… non pas de glorification (se glorifier ! par exemple, c’était au contraire dans un esprit d’humilité), cette aimable jeune personne écrivit à sa parente la femme forte, pour lui apprendre que son mariage allait être célébré tel jour ; elle ajouta qu’elle avait été très-blessée autrefois par sa conduite dénaturée et celle de ses filles, et qu’elle souhaitait bien que leur conscience ne leur en eût pas fait trop de reproches ; que, désirant pardonner à ses ennemis et faire sa paix avec le monde, avant d’entrer dans la plus solennelle des associations avec le plus dévoué des hommes, elle leur tendait maintenant la main de l’amitié ; que, si la femme forte acceptait cette main dans l’esprit même où elle lui était présentée, elle (miss Pecksniff) l’invitait à assister à la cérémonie de son mariage, et ses demoiselles (les trois vieilles filles au nez rouge) à lui servir de demoiselles d’honneur. Il va sans dire que miss Pecksniff ne mentionna point la petite particularité des nez rouges.

La femme forte répondit qu’elle et ses filles, en ce qui regardait leur conscience, jouissaient d’une santé robuste, et qu’elle ne doutait pas que miss Pecksniff ne se vît avec plaisir rassurée à cet endroit ; qu’elle avait éprouvé une joie sans mélange en recevant la lettre de miss Pecksniff, parce qu’elle n’avait jamais attaché la moindre importance aux mesquines et insignifiantes jalousies qui avaient été dirigées contre elle et les siens, autrement que pour les considérer, en y réfléchissant, comme l’élan innocent d’un badinage sans conséquence ; qu’elle serait heureuse d’assister à la noce de miss Pecksniff ; que ses trois filles seraient également très-satisfaites d’être auprès d’elle dans une circonstance si intéressante, et surtout si inattendue : la femme forte eut soin de souligner, comme nous le faisons, ces mots : et surtout si inattendue.

En recevant cette gracieuse réponse, miss Pecksniff étendit son pardon et ses invitations à M. et Mme Spottletoe ; à M. Georges Chuzzlewit, son cousin le célibataire ; à la vieille fille affligée d’un mal de dents perpétuel, et au jeune gentleman chevelu à la figure en lame de couteau. C’était tout ce qui restait des membres de l’assemblée de famille qui jadis avait eu