Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/47

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ment splendide. La pièce dans laquelle il reçut Jonas était spacieuse, meublée avec une extrême magnificence : on y voyait des peintures, des copies de l’antique en albâtre et en marbre, des vases de Chine, de grandes glaces, des portières de la plus belle soie cramoisie, des franges d’or, des sofas somptueux, des armoires brillantes incrustées de bois précieux, et mille bagatelles de grand prix semées avec une négligente profusion. Les seuls convives qu’il y eût, indépendamment de Jonas, étaient le docteur, le directeur gérant et deux autres gentlemen que Montague présenta en bonne et due forme.

« Mon cher ami, je suis enchanté de vous voir. Je crois que vous connaissez Jobling ?

– Je le pense, dit gaiement le docteur en franchissant le cercle pour aller presser la main de Jonas. J’imagine avoir cet honneur. Je l’espère. Mon cher monsieur, je vois que vous vous portez bien. Tout à fait bien, n’est-ce pas ? C’est déjà quelque chose. »

Aussitôt que le docteur lui permit de présenter les deux autres convives, Montague dit :

« Monsieur Wolf, M. Chuzzlewit ; monsieur Pip, M. Chuzzlewit. »

Ces deux gentlemen étaient excessivement heureux d’avoir l’honneur de faire connaissance avec M. Chuzzlewit. Le docteur tira Jonas un peu à part et lui souffla ces mots derrière sa main :

« Des hommes du monde, mon cher monsieur, des hommes du monde. Hem ! M. Wolf, un nom fameux dans les lettres (mais ne parlez pas de ça), un admirable rédacteur de journaux hebdomadaires, oh ! un talent admirable ! … M. Pip, artiste dramatique, un homme étonnant, quand on le connaît, oh ! mais étonnant !

– Eh bien, dit Wolf, croisant les bras et reprenant une conversation que l’arrivée de Jonas avait interrompue, et qu’est-ce que lord Nobley a répondu à cela ?

– Ma foi, répliqua Pip avec un juron, il ne sut que répondre, Dieu me damne, monsieur, s’il ne resta pas muet comme un poisson ! Mais vous savez que Nobley est un brave garçon.

– Le meilleur garçon qu’il y ait au monde ! s’écria Wolf. Pas plus tard que la semaine dernière, Nobley me disait : « Pardieu ! Wolf, j’ai un bénéfice à donner : c’est bien dommage que vous n’ayez pas fait votre théologie à l’Université, je veux mourir si je n’aurais pas fait de vous un ministre. »