Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/476

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M. Chuzzlewit n’eut pas plus tôt appris quels étaient ces gens-là, qu’il sortit brusquement de la voiture comme il put, et vint tomber au milieu d’eux ; là, comme si la folie de M. Tapley était contagieuse, le vieillard se mit à leur prendre les mains à son tour et à donner les marques de la joie la plus vive.

« Montez par derrière ! dit-il. Montez sur la banquette. Venez avec moi. Vous, Mark, sur le siège. À la maison ! à la maison !

– À la maison ! s’écria M. Tapley, saisissant la main du vieux gentleman dans un transport d’enthousiasme. C’est tout à fait mon avis, monsieur ; je n’ai pas pu m’en empêcher. Bonne aubaine pour le Joyeux Tapley ! Je n’ai rien au logis qui ne soit à leur disposition : ils n’ont qu’à demander, excepté pourtant la carte à payer. À la maison pour sûr ! Hourra ! »

En conséquence, ils roulèrent vers la maison, où Mark ramena le plus rapidement possible le vieux Chuzzlewit, sans avoir en route rien perdu de son ardeur, lâchant au contraire la bride à ses sentiments aussi librement que s’il s’était trouvé dans la plaine de Salisbury.

Cependant les invités commençaient à se réunir chez Mme Todgers. M. Jinkins, le seul pensionnaire qui eût été engagé, arriva le premier. Il portait une petite faveur blanche à la boutonnière, et un habit habillé, de drap saxon bleu céleste extra-fin à double trame (c’est ainsi qu’il était qualifié sur la facture), avec une variété infinie d’ornements en zigzag autour des poches, imaginés par l’artiste en l’honneur de ce grand jour. Le malheureux Auguste était si abattu, qu’il n’avait pas même eu la force de se refuser à inviter Jinkins. « Qu’il vienne ! avait-il répondu à miss Pecksniff, qui le pressait sur ce point. Qu’il vienne ! Il a toujours été dans mon existence ma pierre d’achoppement, il est tout naturel que je le rencontre encore ici. Ha ! ha ! … Oh ! oui, que Jinkins vienne ! »

Jinkins était donc venu avec infiniment de plaisir ; il était là. Pendant quelques minutes, il n’eut pas d’autre compagnie que celle du déjeuner, qui s’étalait dans la salle d’honneur avec une splendeur et une magnificence inusitées. Mais bientôt Mme Todgers vint le rejoindre ; et successivement arrivèrent à peu d’intervalle le cousin célibataire, le jeune gentleman chevelu, et M. et Mme Spottletoe.

M. Spottletoe honora Jinkins d’une bienveillante inclination de tête.