Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/478

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— Si c’est à moi que vous faites allusion, monsieur… » commença à dire la femme forte.

Miss Pecksniff s’interposa.

« Je vous en prie, ne permettez pas qu’Auguste, dans ce moment solennel pour lui comme pour moi, soit un brandon de discorde jeté à travers l’harmonie que nous avons au contraire à cœur de maintenir l’un et l’autre. Auguste n’a été présenté à aucun de mes parents qui se trouvent ici. Il a mieux aimé cela.

– Eh bien alors, j’ose affirmer, s’écria M. Spottletoe, que l’homme qui aspire à entrer dans cette famille et qui aime mieux n’être pas présenté à ses divers membres, n’est qu’un impertinent roquet. Telle est mon opinion à son égard ! »

La femme forte fit observer avec une grande suavité qu’elle avait bien peur qu’il n’en fût ainsi. À leur tour, ses trois filles firent remarquer, à haute et intelligible voix, que c’était honteux !

« Vous ne connaissez pas Auguste, dit miss Pecksniff, les larmes aux yeux ; oh ! vous ne le connaissez pas ! Auguste n’est que douceur et modestie. Attendez que vous ayez vu Auguste, et je suis certaine qu’il se conciliera ici l’affection de tout le monde.

– Enfin voilà la question, s’écria Spottletoe en se croisant les bras : combien de temps va-t-on encore nous faire attendre ? Je ne suis pas habitué à attendre, voilà le fait, et je demande si on va encore nous faire attendre longtemps.

– Mistress Todgers ! … dit Charity. Monsieur Jinkins ! … J’ai peur qu’il n’y ait quelque méprise. Auguste est capable de s’être rendu tout droit à l’autel ! … »

Comme la chose n’était pas impossible, et comme l’église n’était qu’à deux pas, M. Jinkins courut à la découverte. Il était accompagné de M. Georges Chuzzlewit, le cousin célibataire qui préférait toute espèce de corvée à l’ennui d’être assis près d’un déjeuner sans pouvoir y toucher. Mais ils revinrent sans rapporter d’autres nouvelles qu’un message confidentiel du bedeau, disant que, si l’on voulait se marier ce matin, il fallait se dépêcher, le curé n’étant pas disposé à attendre toute la journée.

La fiancée se sentit alors alarmée, sérieusement alarmée. Bonté céleste ! que pouvait-il être arrivé ? … Auguste ! cher Auguste !

M. Jinkins s’offrit à prendre un cabriolet pour aller cher-