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CHAPITRE IV.
Dans lequel on verra tour à tour des personnages précoces, des personnages dans l’exercice de leur profession, des personnages mystérieux.

Soit qu’il fût agité par le souvenir de ce qu’il avait vu et entendu la nuit précédente, soit tout simplement qu’il eût fait l’agréable découverte qu’il n’avait rien à faire, M. Bailey, dans l’après-midi suivante, se sentit disposé à rechercher le plaisir d’une aimable compagnie et se hâta de partir pour aller voir son ami Poll Sweedlepipe.

À l’annonce bruyante que donna la petite sonnette de l’arrivée d’un visiteur (car M. Bailey l’avait tirée de toutes ses forces), Poll Sweedlepipe s’arracha à la contemplation d’un hibou favori et fit à son jeune ami un accueil empressé.

« Tiens, dit Poll, le jour vous avez encore bien meilleur mine qu’à la lumière. Jamais je n’ai vu un petit camarade si bien ficelé.

– C’est comme ça, Polly. Comment va notre belle amie Sairah ?

– Oh ! elle va très-bien, dit Poll. Elle est à la maison.

– Savez-vous, Poll, que Sairah a de beaux restes ? dit M. Bailey, d’un air d’indifférence coquette.

– Oh ! pensa Poll, est-il vieux pour son âge ! qui dirait cela à le voir ?

– Il y a trop de mie, par exemple ; elle est trop grosse, Poll. Mais il y a bien des femmes de son âge qui ne la valent pas.

– Le hibou lui-même en a les yeux tout écarquillés, pensa Poll ; ça ne m’étonne pas, de la part de l’oiseau de la sagesse. »

Poll venait d’aiguiser ses rasoirs, qui étaient encore étalés tout ouverts en rang d’oignons, tandis qu’un énorme cuir à repasser pendait à la muraille. À la vue de ces préparatifs, M. Bailey se frotta le menton ; une pensée subite sembla s’être présentée à son esprit.

« Ami Poll, dit-il, je n’ai pas le museau aussi frais que je voudrais. Puisque me voilà ici, je ne ferai pas mal de me faire raser et attifer un peu. »