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était en grande toilette pour le voyage avec son dernier costume de deuil), laissa ses amis se récréer dans la cour, tandis qu’elle montait à la chambre du malade, que mistress Prig, digne collègue de mistress Gamp, était en train d’habiller.

Le malade était tellement affaibli, qu’il semblait que ses os allaient craquer au premier mouvement qu’il ferait. Ses joues étaient creuses et ses yeux extraordinairement grands. Il se tenait renversé dans son fauteuil, et ressemblait moins à un vivant qu’à un mort. Ses yeux languissants se tournèrent vers la porte quand Mme Gamp parut, et il était si faible qu’il ne paraissait pas avoir la force de les remuer.

« Eh bien, comment allons-nous maintenant ? demanda Mme Gamp. Nous avons une mine charmante.

– En ce cas nous paraissons plus charmant que nous ne le sommes pour de vrai, répliqua mistress Prig, dont l’humeur était passablement irritable. Il faut que nous soyons descendu du lit avec la jambe gauche ; car nous sommes bien mal monté. Jamais je n’ai vu un homme pareil. Si on l’avait écouté, il n’aurait jamais consenti à se laisser lever.

– Elle m’a mis le savon dans la bouche, dit d’une voix faible l’infortuné malade.

– Tiens, pourquoi donc vous ne la fermiez pas ? répliqua mistress Prig. Est-ce que vous croyez qu’on peut vous laver le nez sans vous mouiller la bouche, et s’éreinter à toute sorte de belles besognes comme ça pour une demi-couronne par jour ? Si vous voulez être mijoté, il faut payer en conséquence.

– Ô mon Dieu ! mon Dieu ! mon Dieu ! s’écria le patient.

– Là ! voyez-vous ! dit mistress Prig, voilà ses manières de se comporter, Sarah, depuis que je l’ai tiré du lit, il n’a pas fait autre chose.

– Au lieu d’être reconnaissant de tous nos petits services, fit observer mistress Gamp. Fi ! qu’c’est vilain, monsieur ! fi ! qu’c’est vilain ! »

Ici mistress Prig empoigna le malade par le menton, et se mit à lui étriller sa malheureuse tête avec une brosse à cheveux.

« Je suppose que vous n’aimez pas trop ça non plus, » dit-elle, s’arrêtant pour le considérer.

Il était bien possible en effet qu’il ne goûtât point cet exercice ; car la brosse était un spécimen de ce que l’art moderne