Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/65

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

peut produire de plus rude en instruments de ce genre ; et les paupières du malade devinrent toutes rouges par la suite de la friction. Mistress Prig fut enchantée de trouver qu’elle ne s’était pas trompée dans sa supposition, et dit d’un accent de triomphe : « Je le savais bien ! »

Quand les cheveux eurent été convenablement enfoncés, rabattus sur ses yeux, mistress Prig et mistress Gamp mirent au malade sa cravate, lui ajustant son col de chemise avec beaucoup d’habileté, de manière que les bouts empesés pussent en même temps attaquer cet organe et lui procurer une ophtalmie artificielle. On lui passa ensuite son gilet et son habit ; et, comme chaque bouton était accroché tout de travers dans une boutonnière réfractaire, et qu’on avait changé ses bottes de pied, le pauvre diable présentait, à tout prendre, une piètre figure.

« Je crois que je ne suis pas bien arrangé, dit le malheureux jeune homme d’une voix affaiblie. Je me sens comme si j’étais dans les habits d’un autre. Je suis tout d’un côté, et vous m’avez fait une jambe plus courte que l’autre. Il y a aussi une bouteille dans ma poche. Pourquoi voulez-vous me faire asseoir sur une bouteille ?

– Que le diable emporte cet homme ! s’écria mistress Gamp, retirant l’ustensile de la poche, où il n’avait que faire. Il serait parti en emportant ma bouteille de nuit. Je m’étais fait un petit buffet de son habit lorsqu’il était suspendu derrière la porte ; et ma foi, Betsey, j’avais entièrement oublié cette circonstance. Vous trouverez, ma chère, dans son autre poche, un ou deux croquets avec un peu de thé et de sucre, si vous voulez bien avoir la bonté de les y chercher. »

Betsey retira les objets en question, en même temps que divers autres articles généralement connus sous le nom de bouts de chandelles ; et mistress Gamp les transvasa dans sa propre poche, espèce de cabas de nankin. En ce moment arrivèrent pour les deux dames des rafraîchissements sous forme de côtelettes de mouton et de bière forte, et pour le malade un bouillon. À peine avait-on achevé de faire honneur à cette collation, que John Westlock parut.

« Debout et habillé ! s’écria John, s’asseyant auprès du malade. Voilà qui est brave. Comment vous trouvez-vous ?

– Beaucoup mieux, mais très-faible.

– Cela n’est pas étonnant. Vous avez été rudement étrillé. Mais l’air de la campagne, le changement de lieu, feront bien-