Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/67

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pas une demi-heure, vous auriez été étonné qu’il ne nous ait pas fait mourir de chagrin. »

Cette réponse confirma John dans son soupçon. Ainsi, au lieu de prendre au sérieux ce qui venait de se passer, il en revint au ton léger et badin de ses premières questions, et, avec l’assistance de mistress Gamp et de Betsey Prig, il aida Leewsome à descendre l’escalier et à monter dans la diligence qui était au moment de partir.

Poll Sweedlepipe était sur le seuil de la porte, les bras fortement serrés et les yeux démesurément ouverts, contemplant la scène avec un immense intérêt, quand le malade fut doucement hissé dans la voiture. La vue de ses mains osseuses et de son visage hagard produisit sur Poll une impression extraordinaire, et il informa confidentiellement M. Bailey qu’il n’aurait pas voulu pour une guinée manquer pareille occasion. M. Bailey, qui était d’un tempérament bien différent, déclara qu’il aurait volontiers filé pour cinq schellings.

Ce fut un fier travail que d’arranger à la satisfaction de mistress Gamp ses bagages : car chaque paquet appartenant à cette dame avait le désagrément d’avoir besoin d’être mis dans un coffre spécial et de ne point souffrir le voisinage d’autres bagages, sous peine pour les propriétaires de la voiture d’avoir à supporter des poursuites en dommages et intérêts. Le parapluie, avec sa pièce circulaire, était surtout récalcitrant ; je ne sais pas combien de fois il exhiba ses ressorts de métal détraqués à travers les crevasses et les déchirures, à la grande épouvante des autres voyageurs. Dans son ardent désir de trouver un lieu de refuge pour ce meuble précieux, mistress Gamp l’agita si fréquemment, en moins de cinq minutes, qu’il semblait se multiplier à l’infini. Enfin le parapluie se perdit, du moins la dame prétendit qu’il était perdu ; durant cinq minutes, mistress Gamp tint tête au cocher, le poursuivant partout où il allait et lui déclarant que « son compte serait bon, » dût-elle porter l’affaire devant la chambre des Communes.

À la fin, tout étant convenablement classé, son bagage, ses socques, son panier et le reste, mistress Gamp prit amicalement congé de Poll et de M. Bailey, adressa une salutation à John Westlock, et se sépara de Betsey Prig comme d’une sœur bien-aimée du même couvent.

« En vous souhaitant, ma chère créature, dit-elle, des masses de maladies et de bonnes places. J’espère qu’avant peu nous travaillerons encore ensemble, de temps en temps, Betsey ; et