Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/68

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

puisse notre prochaine rencontre avoir lieu dans une grande famille, où nous ayons bien nos aises, veillant tour à tour, l’une après l’autre, une besogne agréable, quoi !

– Ma foi, dit mistress Prig, point ne m’en chaut. Ça viendra quand ça voudra, et ça durera ce que ça pourra. »

Mistress Gamp, en articulant et lui faisant une réplique dans le même esprit, se rapprochait de la diligence, quand elle heurta une dame et un gentleman qui passaient le long du trottoir.

« Prenez donc garde ! prenez donc garde ! dit le gentleman… Holà ! ah, ma chère ! Comment ! c’est mistress Gamp !

– Tiens, M. Mould ! s’écria la garde-malade. Et mistress Mould ! Qui est-ce qui aurait pensé que nous nous rencontrerions ici, par exemple ? …

– Quoi ! mistress Gamp va quitter Londres ! s’écria Mould. Voilà qui est fort !

– Oui, monsieur, ça sort de mes habitudes, dit mistress Gamp ; mais c’est seulement pour un jour ou deux au plus. » Elle ajouta, à demi-voix : « L’individu dont je vous ai parlé. »

– Hein ! dans la diligence ? … s’écria Mould. Celui que vous aviez pensé à me recommander ? C’est très-drôle. Ma chère, dit-il à sa femme, voici qui vous intéressera. Le gentleman dont mistress Gamp songeait à nous accommoder se trouve dans la diligence, mon amour. »

Mistress Mould prit un vif intérêt à cette communication.

« Le voici, ma chère. Vous pouvez monter sur le marchepied et jouir de la vue du gentleman. Ah ! le voilà ! Où est mon lorgnon ? Oh ! bien, je l’ai retrouvé. Le voyez-vous, ma chère ?

– Parfaitement, dit mistress Mould.

– Sur ma vie, c’est une circonstance très-singulière, dit Mould, on ne peut plus enchanté. C’est un plaisir que j’aurais été bien fâché de manquer. Cela vous ravigote, cela vous émeut. C’est comme une petite comédie. Ah ! le voilà ! ma foi, oui. Son air n’annonce rien de bon, n’est-il pas vrai, madame Mould ? »

Mistress Mould partagea cet avis.

« Peut-être après tout, reprit Mould, nous reviendra-t-il sous la main. Qui sait ? je sens en moi quelque chose qui me dit que je dois lui témoigner un peu de prévenance. Il ne me fait pas l’effet d’un étranger. J’ai bien envie de lui ôter mon chapeau, ma chère.

– Il regarde fixement de ce côté, dit mistress Mould.