Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/78

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maintenant qu’à poursuivre son dessein aussi adroitement qu’il le pourrait et par les voies les plus habiles.

« Eh bien, mon bon monsieur, dit M. Pecksniff en rencontrant le vieux Martin dans le jardin, car c’était par là qu’il passait volontiers dans ses promenades, comment va notre cher ami, par cette délicieuse matinée ?

— Est-ce que vous voulez parler de moi ? lui demanda le vieillard.

— Ah ! se dit M. Pecksniff, un de ses jours de surdité, à ce que je vois. Et de qui voulez-vous donc que je parle, mon cher monsieur ?

— Vous auriez pu parler de Mary, répliqua le vieillard.

— Certes : vous avez raison. Je puis parler d’elle comme d’une tonne et excellente amie, j’espère, répliqua M. Pecksniff.

— Je l’espère aussi, répondit le vieux Martin. Car je crois qu’elle mérite ce titre.

— Vous le croyez ! s’écria Pecksniff. Dites que vous en êtes sûr, monsieur Chuzzlewit.

— Je vois bien que vous parlez, répliqua Martin, mais je ne saisis point ce que vous dites ; parlez plus haut.

— Il devient plus sourd qu’un caillou, pensa Pecksniff. Je disais, mon cher monsieur, que je crains d’avoir la douleur de me séparer de Cherry.

— Qu’a-t-elle donc fait ? demanda le vieillard.

— Il vous pose les plus ridicules questions que j’aie jamais entendues, murmura M. Pecksniff. On dirait aujourd’hui qu’il est tombé en enfance. » Après quoi, il ajouta avec un tendre rugissement : « Elle n’a rien fait, mon cher ami.

— Pourquoi alors êtes-vous au moment de vous séparer ? demanda Martin.

— Elle n’est pas du tout bien portante, répondit M. Pecksniff. Et puis sa sœur lui manque, mon cher monsieur : elle l’aimait à la folie depuis le berceau. Je songe à lui faire faire un petit tour à Londres pour la changer, un bon petit tour un peu long, monsieur, si je vois qu’elle s’y plaît.

— Très-bien, s’écria Martin, cela est judicieux.

— Je suis heureux de vous entendre parler ainsi. J’espère que vous voudrez bien continuer à me tenir compagnie dans ma triste solitude, quand ma fille sera partie.

— Je n’ai pas l’intention de m’éloigner d’ici, répondit Martin.

— Alors pourquoi, dit M. Pecksniff en passant le bras du vieillard sous le sien et en marchant lentement, pourquoi,