Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/79

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mon bon monsieur, ne viendriez-vous pas vous établir auprès de moi ? Je pourrais du moins vous entourer de plus de confort dans mon humble cottage que ne vous en offrirait une maison meublée, dans ce village. Pardonnez — moi, monsieur Chuzzlewit, pardonnez-moi si je vous dis que le Dragon, quoique bien dirigé par mistress Lupin, qui est, autant que je puis croire, une des plus dignes créatures de ce pays, n’est après tout qu’une auberge peu bienséante pour miss Graham. s Martin réfléchit un moment ; puis après lui avoir secoué la main, lui dit :

« Oui, vous avez parfaitement raison. Ce n’est pas là ce qu’il lui faut. »

M. Pecksniff ajouta éloquemment :

« La vue même des quilles est loin de convenir à une âme délicate.

— C’est à coup sûr un amusement vulgaire, dit le vieux Martin.

— Du dernier vulgaire, répondit M. Pecksniff. Alors pourquoi ne pas amener ici miss Graham, monsieur ? Voici la maison. Je vais y être seul ! car Thomas Pinck ne compte pas. Votre intéressante amie occupera la chambre de ma fille : vous choisirez la vôtre : nous n’aurons pas de discussion pour cela, je vous assure.

— C’est probable, dit Martin. M. Pecksniff lui pressa la main.

« Nous nous comprenons, mon cher monsieur, je le vois…. Je le mène par le bout du nez, se dit-il avec ivresse.

— Vous me laisserez régler le prix de la pension ? dit le vieillard après une minute de silence.

— Oh ! ne parlez pas de pension, s’écria Pecksniff.

— Je dis, répéta Martin avec une lueur de son obstination d’autrefois, que vous me laisserez libre de fixer le prix de la pension. Y consentez-vous ?

— Puisque vous le désirez, mon bon monsieur.

— C’est toujours mon habitude, dit le vieillard ; vous savez que c’est toujours mon habitude. Je veux payer partout où je vais, même chez vous. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne me restera pas encore avec vous un compte que je vous acquitterai quelque jour, Pecksniff. »

L’architecte était trop ému pour parler. Il essaya de répandre une larme sur la main de son bienfaiteur, mais il n’en put trouver une dans ses yeux. Sa distillerie était à sec.