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VIE ET AVENTURES
DE
MARTIN CHUZZLEVIT.




CHAPITRE PREMIER.


Rencontre imprévue ; aperçu qui promet.


Les lois sympathiques qui existent entre les barbes et les oiseaux, et la cause secrète de cette attraction en vertu de laquelle celui qui rase les unes fait souvent commerce des autres, voilà des questions dignes d’exercer le raisonnement subtil des corps savants ; d’autant plus que leur examen pourrait bien n’aboutir à aucune conclusion définitive. Il suffira de savoir que l’artiste capillaire qui avait l’honneur de loger mistress Gamp à son premier étage, cumulait la double profession de barbier et d’oiselier, et que ce n’était pas chez lui le fait d’une fantaisie originale, car il avait en ce genre, dans les rues voisines et dans les faubourgs de la ville, une légion de rivaux.

Ce digne logeur se nommait en réalité Paul Sweedlepipe. Mais on l’appelait généralement Poll Sweedlepipe ; et généralement aussi on était persuadé, entre amis et voisins, que c’était là son vrai nom de baptême.

Hors l’escalier et l’appartement particulier du barbier logeur, la maison de Poll Sweedlepipe n’était qu’un vaste nid d’oiseaux. Des coqs de combat habitaient la cuisine ; des faisans arrachaient dans le grenier la splendeur de leur plumage doré ; des poules pattues perchaient dans la cave ; des hiboux étaient en possession de la chambre à coucher ; et des échantillons de tout le menu fretin des oiseaux gazouillaient et babillaient