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BIB

Ce mot vient du grec βίϐλια, & βίϐλος.

On dit aussi la Grand’Bible des Noëls vieux & nouveaux ; pour dire, les livres où sont contenues les chansons de Noël. On appelle aussi Bible Guyot, une satyre universelle faite par un vieux Poëte françois, nommé Hugues de Bergy, Religieux de Cluni, qu’on nomma d’abord Bible Huguyot.

BIBLIOGRAPHE. s. m. C’est le nom qu’on donne à ceux qui déchiffrent les anciens manuscrits, & qui sont versés dans la connoissance de tous les livres, tant imprimés que manuscrits ; mais aujourd’hui on donne ce nom spécialement à ceux qui connoissent les livres & les éditions, qui en font des catalogues, & principalement à ceux qui font les catalogues des différentes bibliothèques.

BIBLIOGRAPHIE. s. f. Ce mot vient du grec, & signifie la connoissance & le déchiffrement des anciens manuscrits sur l’écorce des arbres, sur le papier & sur le parchemin ; connoissance des livres & des éditions. Bibliographia. Scaliger, Saumaise, Casaubon, Sirmond, Petau & Mabillon étoient habiles dans la Bibliographie. Spon. Le R. P. Louis Jacob nous donne tous les ans la Bibliographie Parisienne. Mascur. Les Journaux rendent maintenant une Bibliographie pareille inutile.

BIBLIOMANE. s. m. Qui est atteint de la bibliomanie, ou possédé de la fureur des livres. Cette espèce de maladie, fort commune, est assez bien décrite dans ces vers.

Le premier curieux sottement s’avisa
De faire une Bibliothèque.
Contre un si grand abus le Sage se rebeque,
Et sans se surcharger lit les livres qu’il a ;
Mais le Bibliomane en amasse sans cesse,
Et place là tout son argent.
Autant qu’à les accroître il paroît diligent,
Autant à s’en servir il montre de paresse.

Le Commentaire de Surita sur l’Itinéraire d’Antonin, ne se trouve qu’en des reventes, où la fureur des Bibliomanes le porte fort au-delà de son juste prix. Ménagiana, tom. 4, p. 58.

BIBLIOMANIE. s. f. Passion, fureur d’avoir des livres. Bibliomania. La Bibliomanie, disoit M. Patin, est une des maladies de ce siècle.

BIBLIOPHILE. s. m. Qui aime les livres. Les ouvrages d’une grosseur énorme doivent être regardés comme des mémoires à consulter, suivant le besoin, ou la curiosité. Ce sont des archives, plutôt que des livres. On ne lit point ces ouvrages, on les parcourt ; & souvent sans savoir ce qu’ils contiennent, on sait seulement qu’on les possède. Il arrive de-là que ces grands magasins de science n’en donnent que médiocrement au public qu’ils effrayent, & que tant de doctes recherches ne servent qu’à augmenter les grandes bibliothèques, & qu’à orner les cabinets des riches Bibliophiles. Observ. sur les Ecr. mod.

BIBLIOTAPHE. s. m. C’est le nom que les savans donnent à ceux qui ont quelques livres rares & curieux, qu’ils ne communiquent à personne, & qu’ils enferment dans leur bibliothèque, sans leur laisser voir le jour. On les appelle Bibliotaphes, parce qu’ils sont en effet comme le tombeau des livres qui sont enterrés chez eux. Nicolas le Févre disoit que M. de Mesmes (Jean-Jacques) étoit un sot Bibliotaphe. Pithœana. Le Fèvre trouvoit les Bibliotaphes d’autant plus ridicules, qu’il étoit le savant du monde le plus officieux : il sembloit n’étudier que pour les autres. Il se faisoit un plaisir de les aider de ses lumières, de ses observations & de ses manuscrits, qui étoient fort nombreux, & dont il avoit apporté une grande partie d’Italie.

BIBLIOTHÉCAIRE. s. m. Celui qui est préposé à la garde, au bon ordre, & à l’accroissement d’une Bibliothèque. Bibliothecarius. Bibliothecæ custos, præfectus. Fabian étoit Bibliothécaire du Vatican, dont il a fait un index ou un catalogue, qui compose un volume in-fol. Le Cardinal Noris étoit en 1698 Bibliothécaire du Vatican. On a dit d’un bibliothécaire ignorant, que c’étoit un eunuque à qui on avoit donné à garder le sérail. Un bibliothécaire de cette espèce faisant le catalogue de la bibliothèque dont il avoit soin, trouva un livre hébreu qu’il marqua en ces termes sur son catalogue : item un livre dont le commencement est à la fin.

L’emploi de bibliothécaire étoit autrefois dans les Monastères un office claustral, & celui qui l’exerçoit étoit regardé comme administrant une partie du temporel du Monastère. Voyez le P. Thomassin. Un des Offices de l’Église Romaine étoit celui de bibliothécaire. Anastase dans Grégoire II. M. de Bautru étant en Espagne, alla voir la bibliothèque du fameux Monastère de l’Escurial ; & ayant trouvé le bibliothécaire si ignorant, qu’il ne savoit pas le nom de la plupart des livres, il dit au Roi d’Espagne, qu’il devoit donner l’administration de ses finances au bibliothécaire de l’Escurial. Pourquoi ? dit le Roi d’Espagne. C’est, lui répliqua M. Bautru, parce qu’il n’a jamais touché à ce que votre Majesté lui a confié.

Bibliothécaire se dit aussi des auteurs qui ont écrit des catalogues de livres, tels que ceux qui sont nommés dans le livre du P. Labbe, qui en a fait une compilation. Qui scribendis librorum catalogis operam dederunt.

BIBLIOTHÈQUE. s. f. Appartement ou lieu destiné pour y mettre des livres ; galerie, bâtiment plein de livres. Bibliotheca. On le dit aussi des livres en général qui sont rangés dans ce vaisseau.

Quelques auteurs rapportent l’origine des bibliothèques aux Hébreux, & ils disent que le soin qu’ils eurent de conserver les livres divins, & les mémoires qui concernoient les actions de leurs ancêtres, fut un exemple pour les autres nations, & principalement pour les Egyptiens. Osymandrias, Roi d’Egypte, voulut qu’il y eût une bibliothèque dans son Palais, & que l’on mit sur la porte ψυχῆς Ἰατρεῖον. Les Ptolomées, qui régnèrent dans le même pays, furent aussi curieux & magnifiques en livres. L’Ecriture Sainte parle d’une bibliothèque des Rois de Perse, 1. Esdr. V. 15, VI. 1. Quelques-uns veulent qu’elle fût composée principalement des Historiens de la nation, & des mémoires qui regardoient les affaires ; mais il semble que c’étoit plutôt un trésor des titres, ou des chartres & ordonnances des Rois, qu’une bibliothèque. Le texte hébreu l’appelle d’abord seulement la maison des trésors, & ensuite la maison des livres des trésors. On pourroit plus justement appeler bibliothèque, celle que l’auteur du second livre d’Esdras dit que Néhémie construisit, & dans laquelle il rassembla les livres des Prophètes & de David, & les lettres des Rois.

Le premier qui en dressa une à Athènes, fut le Tyran Pisistrate. À la vérité Strabon, dans le 17e livre de sa Géog. assure qu’Aristote fut le premier d’entre les grecs qui se mit en peine d’amasser plusieurs livres, & de dresser une bibliothèque ; mais il est constant que long-temps avant Aristote, Pisistrate en avoit faite une à Athènes, que Xercès transporta en Perse, & que Séleucus Nicanor fit reporter à Athènes. Voyez Aulu-Gelle, Liv. VI, ch. 17. Dans la suite Sylla la pilla : Adrien la rétablit. Voyez sur cette bibliothèque & ses ornemens. Meursius, Athen. Att. L. III. C. 5.

Plutarque dit que sous Eumènes, la bibliothèque de Pergame contenoit 200000 volumes. Tyrannion, Grammairien célèbre, contemporain de Pompée, avoit une bibliothèque de 3000 volumes. Celle de Ptolomée Philadelphe en contenoit, au rapport d’Ammien Marcellin, 700000. Ces volumes étoient des cahiers en rouleaux. Elle fut presque entièrement brûlée par les gens de César.

Constontin & ses successeurs érigèrent à Constantinople une magnifique bibliothèque. Julien fit transporter à Antioche la riche bibliothèque de Georges, faux Patriarche d’Alexandrie. Valens & Théodose le jeune, entre les autres, prirent à cœur d’accroître la bibliothèque de Constantinople ; ensorte qu’au VIIe siècle, lorsque Léon l’Isaurique la fit brûler, il y avoit 300000 volumes, & un entr’autres, où l’Iliade &’l’Odissée d’Homère étoient écrites en lettres d’or sur les boyaux d’un serpent.