Page:Dictionnaire de Trévoux, 1771, I.djvu/980

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
956
BON

boni christiani. Le bon-chrétien est admirable cuit, quoique sa compote péche en couleur. La Quint.

Bien des gens prétendent que le bon-chrétien ne sauroit réussir en buisson. Il est certain qu’il vient plus beau & plus coloré en espalier. On peut cependant dans les jardins bien exposés élever en buisson des poires de bon-chrétien très-belles, c’est-à-dire, fort grosses, bien faites, avec une peau assez fine, un peu colorée à l’endroit où le soleil donne, & d’un vert propre à jaunir en maturité. La Quint.

Ce mot bon-chrétien, s’est fait par corruption du latin, ou plutôt du grec panchresta, qui signifie, tout-à-fait bon, ou tout-à-fait utile, & composé de πᾶν, tout, & χρηστὸς, bon, utile, de χράομαι, utor.

Il y a le bon-chrétien d’été, & le bon-chrétien d’hiver. Le bon-chrétien d’été est un fruit du mois d’Août. Chomel, Dict. Œconom. dit qu’on l’appelle autrement Graccioli. Le bon-chrétien d’hiver est un fruit cultivé depuis long-temps. L’ancienne Rome l’a connu sous le nom de Crustumium, & de Volemum. C’est encore un des plus beaux fruits qui se voient. Sa figure est longue & pyramidale, sa grosseur est surprenante, de trois ou quatre pouces dans sa largeur, & de cinq à six dans sa hauteur, si bien qu’on en voit fort communément qui pesent plus d’une livre. Il s’en trouve qui en pesent jusqu’à deux. Son coloris naturel est jaune ; il est relevé par un bel incarnat, quand il est dans une belle exposition. Il demeure long-temps sur l’arbre, c’est-à-dire, depuis le mois de Mai jusqu’à la fin d’Octobre, & se conserve ensuite quatre ou cinq mois dans la serre. La poire de bon-chrétien d’hiver est très-bonne cuité, quand on la veut manger un peu avant sa maturité ; & très-excellente crue, quand on lui veut donner le temps d’y parvenir. A la vérité elle n’est pas beurrée, mais elle a la chair cassante, & souvent assez tendre, avec un goût agréable, & une eau douce & sucrée assez abondante, & même un peu parfumée. Son défaut est d’avoir la chair coriace & pierreuse, ou tout au moins peu fine. En Poitou on l’appelle simplement poire de Chrétien. La Quint.

Les poires de bon-chrétien d’hiver en buisson, ou en espalier, ne peuvent que difficilement acquérir sur franc la couleur jaune & incarnate qu’on y souhaite ; il faut de celles-ci sur cognassiers. La Quint. Les buissons de bon-chrétien sur franc font ordinairement leur fruit tavellé, petit, raboteux, &c. Id.

Le bon-chrétien musqué est une des principales poires d’été. La Quint. Il l’appelle ailleurs bon-chrétien d’été musqué. Le bon-chrétien d’été musqué ne vient guère bien que sur franc. La poire est excellente ; elle est bien faite en poire, d’une grosseur raisonnable, & à peu près comme celle des belles Bergamottes : son coloris est blanc d’un côté, & rouge de l’autre ; sa chair est entre cassante & tendre, ayant beaucoup d’eau, accompagnée d’un très-agréable parfum. Il mûrit au mois d’Août. La Quint.

Certains curieux distinguent différentes espèces de bon-chrétien ; le long, le rond, le vert, le doré, le brun, le satiné, celui d’Auche, celui d’Angleterre, celui qui est sans pepin, &c. Mais La Quintinie s’en moque, & dit que tout cela souvent se trouve sur le même arbre, & ne vient que de la différence du fonds, des expositions, des années, de la vigueur ou de la foiblesse de l’arbre ; a qu’au reste la ressemblance non-seulement du bois, des feuilles & des fleurs, qui se trouvent en tous les poiriers de ces sortes de bon-chrétiens, mais sur-tout de la figure de la poire, du temps de sa maturité, de sa chair cassante, & de l’eau sucrée, &c. montrent visiblement que c’est toujours la même espèce. Voyez plusieurs choses curieuses & utiles sur ce fruit dans cet Auteur, T. I, P. III, ch. 1.

Le bon-chrétien d’Espagne est une poire grosse, longue, & bien faite en pyramide, ressemblant tout-à-fait par-là un bon-chrétien d’hiver, d’où lui est venu le nom qu’elle porte ; elle a d’un côté un beau rouge éclatant tout piqué de petits points noirs, & de l’autre côté elle est blanche, jaunâtre : sa chair est cassante : elle a d’ordinaire une eau douce, sucrée, & assez bonne, quand elle est venue dans un bon fonds, & qu’elle est en parfaite maturité ; mais elle a la chair dure, grossière & pierreuse, particulièrement dans les terroirs & les années un peu humides. La Quint.

BONS CORPS. s. m. pl. Milice levée par François II, Duc de Bretagne, dans la guerre qu’il eut en 1468 contre Louis XI. Le Duc en attendant le secours d’Angleterre, fit assembler les forces du pays par l’Amiral de Quenelec, & mit sur pied une nouvelle milice composée de gens du commun les plus robustes que l’on pouvoit trouver, qui fur depuis appelé les Bons corps. La commission de les lever, & de les armer, fut donnée à Rolland de Brefeillac, Maître d’Hôtel, & à Jean de Montbourcher. Lobineau. Il donna ordre qu’on levât parmi les roturiers 10000 hommes effectifs de cette nouvelle milice que l’on appeloit les Bons corps ; gens robustes & de service. Idem.

BONNE-DAME. s. f. Terme de Botanique. Plante que quelques-uns appellent autrement Arrocke & Folette. Atriplex, Blitum. La bonne-dame ne vient que de graines ; on la seme des premières du printemps : elle est des plus promtes à lever, & des plus promtes aussi à monter en graine dès le mois de Juin : on la seme assez claire ; & pour en avoir de belles graines, il est bon d’en replanter quelques pieds à part. La feuille de cette plante est fort bonne en portage & en farce: on s’en sert presque d’abord qu’elle est sortie de terre ; car elle passe fort promptement. La Quint. Chomel.

BONNE DÉESSE. s. f. Terme de Mythologie. Bona Dea. Nom propre d’une Déesse, que les Anciens ont aussi appelée Fauna, & Fatua. Elle avoit été si chaste, que nul homme ne l’avoit jamais vûe, ni su son nom ; aussi les hommes ne pouvoient-ils assister à ses sacrifices, qui ne se faisoient que la nuit, & par les seules femmes. Tibul. L. I, Eleg. VI, v. 22. Juven. Sat. VI, v. 314. Quelques-uns croient que la Bonne Déesse étoit Proserpine, & que c’est pour cela qu’on lui sacrifioit une truie ; parce qu’elle gâte les blés de sa mere Cérès. Les Romains, au rapport de Plutarque, dans la vie de César, la prenoient pour une Nymphe Dryade, femme de Faune. Lactance rapporte, d’après Sext. Clodius, que cette Nymphe ayant bû du vin, contre la coutume des femmes de ce temps-là, Faune son mari la fouetta de verges de myrte jusqu’à la mort ; que dans la suite regrettant son épouse, il la plaça entre les Dieux ; qu’en mémoire de ces faits, la bouteille de vin qui servoit aux libations dans ses sacrifices, étoit enveloppée & couverte, & ne s’appeloit point bouteilles de vin, mais bouteilles de miel ; & que l’on n’admettoit point de myrte dans ces cérémonies. D’autres disent que c’est parce que le myrte est consacré à Venus, & que la Bonne Déesse avoit été très-chaste. Les Vestales étoient les principales de ces Prêtresses. Ce sont elles maintenant qui se rendent propice la Bonne Déesse, par l’effusion de leurs grandes coupes de vin, & par le sacrifice de ce qu’il y a de plus tendre & de plus délicat dans les jeunes truies. P. Tart. Juven. Les secrets qui se pratiquent aux cérémonies de la Bonne Déesse, sont assez connus, quand la flûte incite à danser, & que les Ménades de Priape, transportées hors d’elles-mêmes par le vin & par le bruit du cornet à bouquin, portent leurs cheveux épars, & font ouir des hurlemens. An. de Marolles. Juven.

Les Mythologues prennent la Bonne Déesse pour laterre. Cette Déesse a eu plusieurs noms, & on l’a confondue avec d’autres Divinités : on la trouve nommée Opis, ou Ops, Proserpine, l’ancinnet Vesta, la Grande Mere, la Grande Mere des Dieux, Mere Idéenne, Déesse Phrygienne & Palatine, Mere Bérécynthienne.

Les sacrifices de la Bonne Déesse s’appeloient Mystères, ou Mystères Romais, & se faisoient le 4 Décembre. Voyez Gronovius, Obser. L. IV, c. 9. Il s’y passoit bien des infamies affreuses, comme il paroît par les anciens qui en ont parlé. Lucrece, L. II, v. 598, nous apprend qu’on la dépeignoit en l’air dans un char traîné par des lions, & portant en tête une couronne murale. C’est en effet ainsi qu’elle est représentée sur des médailles de l’Empereur Philippe. Outre les Auteurs cités, Properce, L. IV. Eleg. 10. v. 25 ; Ovide, de Arte, L. III, v. 637, & V. Fast. v. 148 & 153 ; &