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on envoyoit les noms aux Censeurs ; & lorsqu’il y avoit à redire à leurs mœurs, on les dégradoit, en les privant du droit de suffrage, & en les mettant à la taille. Ærarios fieri & in ceritum tabulas referri, parce que les habitans de cette petite ville avoient la qualité de citoyens Romains, mais ne jouissoient pas du droit de suffrage.

☞ Le cens achevé, on indiquoit une assemblée générale au champ de Mars, pour assister au sacrifice d’expiation. Le peuple s’y trouvoit en armes, divisé par Centuries, & l’on prioit les Dieux d’avoir pour agréable le cens qu’on venoit de faire, & qu’il leur plût conserver la République dans sa splendeur & dans sa gloire.

☞ Ce sacrifice se célébroit tous les cinq ans, & se nommoit Lustrum, de-même que le cens du peuple. De-là on nomma aussi lustre, la révolution de cinq ans.

☞ L’illustre Auteur de l’Esprit des Loix, prouve qu’il n’y a jamais eu de cens général dans l’ancienne Monarchie Françoise, & que ce que l’on appeloit cens, étoit un droit particulier levé sur les serfs par les maîtres.

Cens. Signifie parmi nous, rente seigneuriale & foncière, dont un héritage est chargé envers le Seigneur de Fief d’où il dépend. Census. Le cens est la marque de la seigneurie que le Seigneur s’est retenue, quand il a baillé à cens & rente une terre dépendante de son fief. ☞ Il est la véritable marque de la directe seigneurie sur les rotures, comme la foi & hommage, est le caractère de la directe sur les fiefs. Le cens est imprescriptible & non rachetable. Le cens emporte droits de lods & vente, & saisine d’amende en cas de vente. Il y a cens mort ou cens truant, qui ne porte aucun droit, dont il est parlé en la Coutume de Soêmes & d’Auvergne.

Le cens est une marque de seigneurie, parce que les Francs donnèrent les terres qu’ils conquirent, ou à charge que ceux à qui ils les donnoient les serviroient à la guerre, ou à charge de cens, & de rente. On dit au Palais que les cens & autres devoirs féodaux sont rendables & non requérables. Les cens & autres devoirs féodaux sont éteints par l’acquisition que font les Seigneurs de nfief des héritages qui sont sujets à ces devoirs. Voyez Bodin, la Coutume de Paris, Bruneau, Chopin, Lhomeau, Chaline, &c. Le cens est imprescriptible ; le tenancier ne peut le prescrire contre son Seigneur, en ce qui regarde le fonds du Droit du Seigneur, & non en ce qui concerne les arrérages qui se peuvent prescrire par un décret faute d’opposition. La quotité de cens se peut prescrire par trente ans, entre majeurs non privilégiés, & par quarante ans contre l’Eglise. Voyez Lange.

Chef-cens, est le premier cens. Primigenius census, primitivum vectigal ; Sur-cens, celui qui a été ajoûté. Secundariæ indictionis census, secundarium vectigal. Le menu cens ne consiste d’ordinaire qu’en tournois, mailles & autres petites monoies, minuti æris census annuus, levior census dominii tantum index. Il est le chef-cens & capital, & plus seigneurial que le gros cens, qui est une espèce de rente dont l’héritage est chargé, & qui se paye en gros & en bloc pour toutes les terres qui ont été données. Multi æris census, gravior census, gravius vectigal. Le premier n’est qu’un signe & reconnoissance de la seigneurie de celui qui le premier a donné l’héritage à cens.

Le sur-cens, est le cens qui a été imposé depuis la première concession. Il y a aussi un cens aqueste, qu’en la Coutume de Melun on appelle rogo, que le Seigneur est tenu de demander ; & on l’appelle autrement cens requérable : au lieu qu’on est obligé de porter les autres cens en la maison du Seigneur ; à cause de cela, on l'appelle cens portable. Census collectitius, vectigal collectaneum.

Cher-cens, on appelle le cens-cher, lorsque l’héritage censuel est chargé de cens annuel à peu-près de ce qu’il peut valoir par an. Cens simple, cens double, qui est double du simple. Cens truant, est celui qui ne porte ni lods, ni ventes, ni aucun profit au Seigneur. Croix de cens, est la monnoie dont on paye le cens, parce qu’autrefois toute la monnoie étoit marquée d’une croix.

Ce mot vient de census ; Nicot. & census vient de censere, qui signifie, priser, estimer, à cause que les Censeurs à Rome, appelés d’abord Censores, & ensuite Censitores, estimoient de temps en temps les biens des particuliers, pour imposer les tributs à proportion.

On dit proverbialement, quitter la terre pour le cens ; pour dire, se défaire d’une chose qu’on possède à des conditions trop onéreuses.

On dit, des Seigneurs & des héritages censables, censifs, censiers, & censuels, selon les divers pays & Coutûmes, en parlant d’un Seigneur qui a droit de lever un cens, ou d’un héritage qui en est chargé envers lui. Cui debitus est census annuus.

Censable se dit du Seigneur qui a droit de cens ; & censéable, de l’héritage qui est chargé de cens : Censier se dit de l’un & de l’autre.

CENSAL. s. m. Est un terme de Commerce du Levant, qui signifie Courtier. Ce mot est en usage principalement en Provence & dans les Echelles du Levant. Pour la commodité des Marchands, & pour faire fleurir le négoce, il y a aujourd’hui dans Marseille 46 Censaux ou Courtiers, dont l’établissement est si ancien, que je n’ai pu trouver son origine ; car dans l’un des statuts qui furent faits l’an 1257, il est parlé du serment que font les Courtiers tous les ans le jour de la Purification dans l’Hôtel-de-Ville, entre les mains du Viguier & des Consuls. Vers le milieu du XVe siècle il y en avoit jusqu’à 70. En 1579, les Consuls les réduisirent à 30. En 1599, le nombre fut augmenté de huit, avec défenses faites à toutes personnes d’exercer la charge de Censal, à peine de faux, de 150 livres d’amende, & de punition corporelle. Aux années 1604 & 1609, on accrut ce nombre de six, & à mesure qu’on faisoit quelque augmentation, les Consuls dressoient de nouveaux Règlemens, dont les principaux articles sont insérés dans un Livre intitulé : Le Règlement du sort. Louis le Grand a érigé la charge de Censal en Office ; & depuis, les Censaux prennent des provisions du Roi. De Ruffi, Hist. de Marseille, T. II, p. 230. Quelques-uns écrivent Sensal.

☞ CENSE. s. f. Ce terme est usité dans quelques provinces, en Flandre, dans le Hainaut, en Bourgogne, pour dire une petite ferme, une métairie. Prædium, prædiolum rusticum. Cette terre consiste en deux ou trois censes.

☞ CENSÉ, ÉE. adj. du latin censere, croire, penser, signifie la même chose que réputé. Habitus, existimatus. Les Ecclésiastiques absens pour le service du Roi sont censés présens, & ont part aux distributions. Il est censé complice de cet assassinat par les preuves & indices du procès. Une loi est censée abolie par le non usage.

CENSERIE. s. f. exprime tout ce que signifie courtage, c’est-à-dire, la profession du Censal ; & quelquefois le droit qui lui est dû.

CENSEUR. s. m. Terme d’Histoire Romaine. C’étoit autrefois un des premiers & des plus importans Magistrats de Rome ; il avoit le soin de l’intérêt public & de la correction des mœurs. Censor. C’étoit comme le Réformateur des mœurs & de la Police. Les Censeurs furent créés l’an 311 de Rome, lorsque le Sénat eut remarqué que les Consuls, trop appliqués aux affaires de la guerre & aux expéditions militaires, ne pouvoient veiller assez exactement aux affaires privées. Les deux premiers furent Papirius & Sempronius ; ils furent créés l’an de Rome 311. Chacun leur étoit soumis, puisqu’ils avoient droit de reprendre tout le monde. Les Censeurs étoient au nombre des grands Magistrats. Au commencement ils furent tirés du Sénat ; mais depuis que les Plébéiens purent aspirer au Consulat, ils parvinrent aussi à la dignité de Cen-