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seur. La coutume étoit d’en élire deux ; l’un de famille patricienne, l’autre de famille plébeïenne, & quand l’un des deux mouroit dans le temps de son emploi, l’autre sortoit de charge, & on en elisoit deux nouveaux. M. Rutilius fut le premier du peuple qui ayant été fait Dictateur l’an 402 de Rome, après avoir été deux fois Consul, demanda aussi la charge de Censeur. Publius Philo Dictateur, ennemi des Patriciens, en 414, porta une loi par laquelle il fut ordonné que l’un des Censeurs seroit pris d’entre les Plébeïens. Elle fut en vigueur, jusqu’en 622, que les deux Censeurs furent élus d’entre le peuple. Depuis on en a repris du peuple & du Sénat. Cette Charge étoit si considérable, qu’on ne l’obtenoit qu’après avoir passé par les autres ; & on trouva étrange que Crassus en eût été pourvu avant que d’avoir été ni Consul ni Prêteur. Cette Magistrature fut d’abord établie pour cinq ans ; mais cet usage ne dura pas neuf ans seulement après l’institution des Censeurs. Mamercus Emilius, Dictateur, fit porter une loi qui régla que la Censure ne dureroit qu’un an & demi, & qui fut observée depuis à la rigueur. Le Censeur avoit le droit d’exclure les Sénateurs qu’il jugeoit indignes de cette dignité, & de casser les Chevaliers qui ne remplissoient pas bien leurs devoirs, en les privant du cheval public. Dac. Les Censeurs faisoient aussi la taxe, & l’estimation des biens & des facultés de tous les Citoyens de Rome, pour imposer le tribut à proportion de ce que chacun possédoit. Cicéron a décrit très-précisément les fonctions de cette charge. Elles se réduisent au dénombrement du peuple, à la correction des mœurs, à l’estimation des biens de chaque Citoyen, à l’imposition des taxes selon les facultés d’un chacun, à la surintendance des tributs, à la défense des Temples & au soin des lieux publics. Les gens du Roi, les Magistrats de police, ont des fonctions qui répondent en quelque sorte à cette charge, & ils peuvent être appelés les Censeurs des mœurs. Il y a même un Magistrat dans la République de Venise, qui est chargé de ce soin, & qui est six mois en charge.

Censeur se dit chez nous dans le discours ordinaire d’un homme qui critique, qui contrôle les actions d’autrui. Censor. Quand ce mot est seul, il se prend presque toujours en mauvaise part. Dire de quelqu’un que c’est un censeur, c’est dire qu’il trouve à redire à tout. Quand il est joint à quelque épithète, c’est cette épithète qui le détermine à un sens favorable ou défavorable. Censeur équitable, censeur injuste. Pour s’ériger en Censeur, il faut joindre à la supériorité du pouvoir, l’autorité des bonnes mœurs, & des bons exemples. De Vill. Un censeur indiscret & imprudent, aigrit le mal au lieu de le guérir. Id. On soupçonne d’ordinaire que les airs chagrins d’un censeur inexorable, proviennent d’une secrète envie, qui ne peut souffrir le mérite des autres. Bell.

Censeur un peu fâcheux, mais souvent nécessaire ;
Plus enclin à blâmer que savant à bien faire. Boil.

Censeur se dit aussi d’un Critique savant qui doit faire l’examen d’un livre sans passion, pour y remarquer ce qu’il y a de mauvais & de condamnable. Il faut être le premier Censeur de ses Ouvrages. J’ai prié mon ami d’examiner cette pièce en sévère Censeur. Le Censeur se met dans la nécessité d’avoir évidemment raison, afin de justifier par là ce qu’il y a d’odieux dans la censure. Abbé de Saint Réal.

Faites choix d’un Censeur solide & salutaire,
Que la raison conduise, & le savoir éclaire. Boil.

Censeur des Livres, ☞ Censeur royal, ou tout simplement Censeur. On nomme ainsi des gens de lettres commis par M. le Chancelier, pour examiner les livres qu’on doit imprimer. Ils ne donnent leur approbation qu’à des livres qui ne contiennent rien de contraire à la Religion & aux bonnes mœurs. Les Docteurs de la Faculté de Théologie, prétendent que c’est un privilège qui leur appartient, & que les Papes l’ont attribué à leur Corps. En effet, ils ont été long-temps en possession de ce droit. Mais en 1614, par Lettres Patentes du Roi, l’on établit quatre Docteurs de la Faculté, pour être Censeurs & Approbateurs de tous les livres concernant la Religion, & en être responsables en leur nom. Quant aux livres qui ne traitent point des matières de la Religion, il paroît que les Maîtres des Requêtes ont eu le pouvoir de les examiner, & qu’ils l’ont conservé jusqu’au règne d’Henri IV. Il n’est pas cependant bien sûr si ce droit étoit annexé à leur charge, ou si c’étoit une commission personnelle dont l’on chargeoit quelques Maîtres des Requêtes. Il semble même qu’ils n’examinoient que les Livres de Droit & d’Histoire, dans lesquels on peut agiter des questions qui intéresseroient l’Etat. ☞ Aujourd’hui, comme nous l’avons dit, les Censeurs sont des gens de lettres, distingués par leurs lumières & par leurs connoissances, commis par M. le Chancelier pour l’examen des livres.

M. Bayle, compare les Auteurs sollicitans l’approbation des Examinateurs, à ces âmes errantes sur les bords du Styx, & attendant avec impatience d’être transportés sur l’autre rive. Il leur applique ces vers de Virgile ;

Tendentesque manus, ripæ ulterioris amore :
Navita sed tristis nunc hos, nunc accipit illos.
Astt altos longè summotos arcet arenâ.

On appelle Censeurs dans les Universités, & sur-tout en Sorbonne, certains Docteurs, qui assistent aux thèses, afin de prendre garde à ce que tout s’y passe dans l’ordre. Ce sont principalement ces Censeurs, qui jugent du mérite du répondant. Il y en a deux qu’on appelle Censeurs de discipline ou de mœurs. En Sorbonne, les Censeurs donnent leur suffrages par billet. Censeur se dit encore dans les Universités de celui qui est chargé d’examiner les cahiers, soit de Philosophie, soit de Théologie, de ceux qui veulent être Maîtres ès Arts, ou Bacheliers.

Censeur. Terme de Collège. Les Censeurs sont parmi les écoliers, ceux que le Régent choisit pour l’aider à maintenir le bon ordre & la discipline scholastique. Un Régent doit se défier de la probité & de la fidélité des Censeurs, qui agissent souvent par passion. Les Censeurs des leçons, sont ceux qui doivent reprendre ceux qui récitent leurs leçons, lorsqu’ils font des fautes. Censores lectionum, ou Censores exigendo memoriæ penso præpositi. Censeurs de la chaire, sont ceux qui sont auprès de la chaire du Régent, pour apprendre plus facilement de lui ce qu’ils doivent faire en chaque occasion. Assidentes Magistro Censores, &c.

☞ CENSIER. adj. Epithète qui s’applique au Seigneur auquel le cens est dû. Seigneur Censier. Prædiatorii vectigalis, census dominus.

☞ On dit aussi papier censier, plus communément terrier, censualis liber, où sont écrits les cens & les rentes dûes à un Seigneur, ou les reconnoissances qui en ont été passés par les tenanciers. Codex vectigalium, censuum index.

Censier, ère. f. Signifie encore celui ou celle qui tient une cense à ferme, & on dit le Censier d’un tel Seigneur.

☞ CENSIF. s. m. Vieux mot, synonyme de censive.

CENSITAIRE. s. m. & f. Celui ou celle qui a une terre ou un fonds à charge de cens, à charge de payer à un Seigneur de fief un droit de cens, une rente annuelle. Censuus, a. Il a trouvé bon que les nouveaux censitaires, comme représentant les anciens