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COU

bien couper un habit. Cet ouvrier entend bien à couper les pierres. Ce sculpteur coupe bien le bois. On dit aussi couper des souliers, des pantoufles, des bottes.

Ce mot vient du grec κόπτειν qui signifie la même chose, selon Nicod, après Budée. D’autres le dérivent du latin capulare, qui le trouve dans la basse latinité au même sens de couper. Voyez la Loi salique, Tit. 21 §. 2. la vie de S. Ursmare, c. 2. n. 3. Acta SS. April. T. II. p. 566. D. Vossius L. IV, de Vitiis serm. dérive capulare de capulus ; mais les Bollandistes à l’endroit cité p. 567. B. n’approuvent point cette étymologie, parce que capulus vient de capio, signification qui ne convient nullement à celle de capulare, qu’ils aiment mieux tirer de l’allemand Cappen, qui veut dire fendre en frappant d’une coignée, d’un couteau, d’une épée, &c.

Il signifie aussi, interrompre un ordre, une suite, un rang de personnes, ou de choses, en mettant quelqu’un ou quelque chose entre. Interrumpere, dividere. Les Pairs de France, dans leur Mémoire au feu Roi, disent : L’autre chef dont nous osons nous plaindre à V. M. c’est qu’il y a un Conseiller au bout de chaque banc des Princes du Sang & des Pairs, & qu’ainsi nous nous trouvons coupés par eux, qui ne sauroient opiner à la place où ils sont, & par conséquent ils ne sont pas à leur place. Et dans la Requête présentée à Louis XV ; lorsque les Pairs se sont trouvés en assez grand nombre aux séances des bas sièges, pour remplir les bancs qui forment le premier rang du parquet intérieur, ils (les Présidens) ont affecté de placer à l’extrémité de chaque banc un Conseiller, qui se trouvant au milieu des Pairs, qui sont à sa droite & à sa gauche, interrompt & coupe l’ordre de leur séance. Il arriveroit même que dans la suite, si le Royaume étoit assez heureux pour voir des Princes de votre Sang auguste en assez grand nombre pour occuper plus d’un banc, les Conseillers les couperoient, & par conséquent se placeroient au dessus de quelques-uns d’eux.

☞ COUPER chemin à quelqu’un, se mettre sur son chemin au devant de lui, pour l’empêcher de passer, & figurément, couper chemin à un mal, en arrêter le cours.

Couper quelqu’un, le devancer, prendre les devans. Son carrosse nous coupa. Prævertere, præverti. Couper par le plus court, par le plus court chemin, prendre le chemin le plus court. Coupez par ce sentier, vous arriverez plutôt.

☞ En termes de chasses, on dit qu’un chien coupe, quand il veut gagner la tête de la meute, anteire, ou quand il quitte la voie de la bête pour la devancer ; ce qui est un défaut.

☞ En termes de guerre, couper les ennemis, c’est se porter entre deux parties de leur armée, pour les empêcher de se rejoindre, ou entre leur armée & la place qu’ils couvrent, pour les empêcher d’y entrer. Dans le même sens couper la communication d’une ville, d’un quartier, se poster de manière qu’on ne puisse y envoyer du secours.

Couper les vivres, fermer les avenues pour empêcher qu’on ne porte des vivres, des munitions à une armée, à une ville assiégée. Commeatum hostibus, ou hostes commeatibus intercludere : au figuré couper les vivres à quelqu’un, lui retrancher les moyens de subsister.

Couper les eaux à une ville, couper les canaux qui y portent de l’eau.

Couper les sons, terme de Musique. Sonos abrumpere, c’est ne pas traîner ou alonger certains sons, & ne les continuer qu’autant de temps qu’il faut pour les faire entendre, en sorte qu’il y ait quelque silence entre chaque son. Cette manière de couper les sons fait souvent un bel effet dans les expressions de douleurs, pour exprimer des soupirs & des sanglots, dans les expressions d’étonnement & d’admiration, dans les cérémonies magiques & terribles. De Brossard.

En termes de monnoie on dit couper des lames en flans. Quand les lames, soit d’or, soit d’argent, soit de cuivre, sont à peu près de l’épaisseur des espèces à fabriquer, on en coupe des morceaux avec des instrumens de fer, en manière d’emporte-pièce appelés coupoirs. Ces morceaux sont de la grandeur, de l’epaisseur, de la rondeur, & à peu près du poids des espèces à fabriquer, & sont nommés flans jusqu’à ce que l’effigie du Roi y ait été empreinte. C’est là ce qui s’appelle couper les lames en flans.

En terme de jardinage, on dit couper en pié de biche ; pour dire, couper de biais. Oblique secare, incidere. Couper une branche à l’épaisseur d’un écu, c’est couper certaines branches qui défigurent l’arbre, observant néanmoins de laisser la partie du côté du vide qu’on veut remplir, plus élevée que l’autre ; & la sève par cette taille donne par l’œil qui reste une branche qui se porte où l’on veut qu’elle soit. Amputare ramum ad primum ocellum. Couper en moignon, truncare, c’est couper une branche raisonnablement grosse à trois ou quatre doigts de longueur. Couper en talus, c’est la même chose qu’en pié de biche. Oblique amputare. Couper carrément, c’est couper de sorte que la taille soit bien unie & bien égale, afin qu’il se forme tout autour trois ou quatre branches bien placées & bien disposées pour faire un buisson bien rond, bien ouvert, & également garni ; car cela se pratique à l’égard des buissons. Voyez la Quintinie & Liger au mot Couper.

Couper signifie encore entamer quelque chose, y faire quelque ouverture. Incidere. Cet homme s’est coupé au doigt. Cette pistole est douteuse, elle a été souvent coupée. Voilà un vent de Nord qui coupe commue un rasoir, c’est-à-dire, il entame, il fait fendre la peau. Le froid gerce, fait que la peau se coupe. Urere. Couper dans le vif, se dit d’un Chirurgien qui, en faisant son opération, coupe jusque dans la chair vive.

On le dit au figuré pour dire ; toucher à ce qui est le plus sensible.

Couper, terme d’escrime. On coupe sur la pointe & sous poignet, au lieu de dégager. Il est très-difficile de parer une botte coupée sous le poignet.

Couper sous le poignet, c’est dégager par dessous le poignet de l’ennemi, au lieu de dégager par dessous le talon de sa lame, & couper sur pointe, c’est porter une estocade à l’ennemi en dégageant par dessus la pointe de son épée.

On dit aussi, en termes de Manège, qu’un cheval se coupe, quand par l’un de ses fers il entame la peau d’un de ses boulets. Incidere. On dit aussi, couper le rond, ou couper la volte, quand un cheval change de main en travaillant sur les voltes.

Couper un cheval, c’est le châtrer. Castrare. On a été obligé de couper ce cheval, parce qu’il ruoit & mordoit. On le dit aussi de quelques autres animaux, & ce terme est plus honnête que ses synonimes.

Couper s’emploie aussi, en parlant de divers supplices par lesquels on mutile les corps des criminels. Amputare. En France on coupe la tête aux Gentils’hommes avec un coutelas. Præcidere cervices, resecare. En Angletterre on la leur coupe avec une doloire sur un billot. On coupe le poing aux parricides, aux meurtriers des Princes, de leurs parens, de leurs maîtres, & aux sacrilèges.

Couper la gorge signifie, tuer, massacrer. Jugulare. On coupa la gorge à tous les François au temps des Vêpres Siciliennes. Ce voleur a été roué pour avoir coupé la gorge à plusieurs passans. Se couper la gorge avec quelqu’un, se bat-