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tre en duel avec lui. Je veux me couper la gorge avec vous.

En ce sens on dit figurément, qu’on coupe la gorge à quelqu’un, quand on lui cause quelque dommage considérable. Grave detrimentum afferre : on peut se servir du mot jugulare, en ajoutant la particule quasi. On coupe la gorge aux enfans, quand on ne les instruit pas bien, quand on les laisse vivre dans un plein libertinage. Vous lui ôtez cet emploi, vous lui coupez la gorge. Le Juge a coupé la gorge à cette partie, en lui faisant perdre son procès. On coupe la gorge dans cette hôtellerie, on y rançonne les passans. On dit aussi d’une raison peremptoire & décisive, qu’elle coupe la gorge à un adversaire, lorsqu’il n’a rien à y répondre.

Couper signifie aussi diviser un pays. Dissociare, dividere. L’Appennin est une chaîne de montagnes qui coupe toute l’Italie. La France est coupée & arrosée de plusieurs rivières. La Flandre est coupée d’un nombre infini de fossés & de canaux. Voyez ci-dessus comme il se dit des personnes & des rangs, ou suites interrompues, à peu près en ce même sens.

Couper se dit figurément en choses spirituelles & morales. Abrumpere. Vous avez coupé le nœud que vous ne pouviez délier. S. Réal. On dit qu’un criminel se coupe en ses réponses, quand il se contredit, ou quand il varie. Pugnantia loqui ; qu’un Orateur coupe son style ; qu’un Poëte coupe ses stances ; pour dire, qu’il y fait plusieurs divisions. Concidere, concisus stylus, concisa oratio. On dit en ce sens, couper court ; pour dire, abréger, s’expliquer en peu de paroles. Rescindere orationem, finem, modum orationi imponere. On dit, couper la parole à quelqu’un ; pour dire, l’interrompre. Aliquem interpellare. La douleur, les soupirs, les sanglots lui coupoient la voix ; pour dire, l’empêchoient de parler, interrompoient son discours. Intercludere.

On dit aussi figurément & familièrement, couper l’herbe sous les piés de quelqu’un ; pour dire, lui faire perdre quelque avantage, le supplanter. Spem alicujus, expectationem infringere, præcidere, detrimentum afferre. On dit aussi, qu’on s’est coupé de son couteau, ou qu’on s’est coupé la gorge, quand on a lâché quelques paroles, qui ensuite portent un grand préjudice. Suo se gladio confodere.

On dit qu’on coupe la racine d’un procès, quand on en ôte la source, ou ce qui le cause, ou qui le peut fomenter. Couper pié à un mal, à un abus ; en ôter la cause.

Couper le cable, couper les mâts, termes de Marine, c’est couper le cable sur les bittes ou sur l’escubier, & le laisser aller à la mer ; ce qui se fait par commandement à l’égard du cable, lorsqu’il faut appareiller promptement ou par nécessité ; & à l’égard des mâts, aussi bien que des cables, lorsque la tempête presse, & qu’on craint de choquer contre d’autres vaisseaux.

Couper la lame, se dit, en termes de Marine, quand la pointe du vaisseau fend le milieu de la lame, c’est-à-dire, les flots ou la vague, & passe au travers. Fluctum dividere. On dit dans le même sens d’un nageur, qu’il coupe l’eau.

Couper, c’est aussi un terme de Mesureur, qui signifie racler avec la racloire une mesure, lorsqu’elle est pleine. Præcidere. Il y a des lieux où l’on entasse les mesures, & d’autres où on les coupe. Quand on vend à couper la mesure, il ne peut plus y avoir de dispute.

Couper le poil, terme qui est en usage chez les Cardeurs & parmi les Chapeliers.

Couper le grain, terme de Corroyeur, c’est former sur la superficie du cuir qu’on corroie, du côté de la fleur, ces petittes figures entrecoupées de tous sens, à angles inégaux, que l’on voit sur les veaux & vaches retournées ; ce qui fait une espèce de grains.

Couper du vin, c’est mettre, mêler plusieurs sortes de vins ensemble. Vina miscere.

Couper se dit, dans le même sens, de différens fluides. Couper un fluide avec un autre, les mêler, tempérer l’un par l’autre. Couper son vin. Vinum aqua temperare. Y mettre de l’eau.

Couper se dit, en termes de Jeu, d’un paquet de cartes qu’on sépare en deux, après que celui qui les tient les a bien mêlées. Dividere. On dit encore couper, pour voir à qui fera, lorsque chacun prend un paquet de ces cartes, & qu’il montre celle qui est à découvert, dont la plus haute commande. J’ai coupé un as, & vous n’avez qu’un dix. On le dit aussi, quand sur des cartes qu’on jette, on en met une plus haute pour gagner la main, ou même lorsqu’on en met une plus basse, pourvû que selon les règles du jeu elle doive l’emporter ; ainsi couper en ce sens, peut être expliqué ainsi, mettre une triomphe sur les cartes qui ont été jouées. Il a coupé d’un roi, d’une triomphe, d’un matador, d’une carte qui est hoc. Au Lansquenet, couper se dit de ceux qui tiennent la carte. Je n’ai pas le temps de couper aujourd’hui, je vais seulement carroter quelques pistoles.

Couper cu, terme de Joueurs, signifie se retirer après qu’on a gagné, & sans donner la revanche à son adversaire qui a perdu ; n’attendre point qu’il soit raquitté. Ne plus tenir jeu, le quitter, abandonner prise, se retirer tout-à-coup, planter là celui avec qui l’on joue. Dict. Comm. Il n’y a point de perdant qui ne trouve mauvais qu’on lui coupe cu. Aliquem redintegrandi lusus expectatione frustrari ; alicui repetendi lusus facultatem adimere ; partam ludo pecuniam auferre, nec velle iterum ludo committere. Cum victor sis, nolle ludum repetere, continuare ; ludum abrumpere.

Qu’ils se gouvernent comme au jeu ;
Quand on leur coupe cu, qu’ils modèrent leur feu ;
Et sans examiner si la chose est permise,
Que celui que l’on quitte, au lieu de s’offenser,
Ne songe qu’à recommencer
Avec un autre une reprise.

En termes de Paume, on appelle couper un coup, quand on pousse la balle avec la raquette inclinée, en sorte qu’elle roule au lieu de rebondir. Obliquo reticulo pilam impellere.

En termes de dés, couper les dés, c’est les jeter sur la table en retirant le cornet, de manière qu’ils ne partent point de la place.

En termes de danse, on appelle couper un pas ; quand on fait un petit saut en pliant un pié, tandis qu’on passe légèrement l’autre par dessus. Sic alterum crus inflectere, ut extenso altero procedas, progrediare ; inflexo altero crure, molliter incedere, gressum frangere.

En termes de Blason, on appelle couper un écu, quand on le divise en deux parties égales, diamétralement par une ligne parallèle à l’horison, & en même sens ou disposition que la fasce. Scutum bifariam transverse secare. Cet écu étoit coupé de gueules & de sable. De-là vient qu’on dit que deux couleurs se coupent, lorsqu’elles sont fort différentes & fort vives, & qu’elles n’ont aucune nuance ou couleur douce qui les joigne.

En termes d’Architecture, couper une pierre, c’est ôter de son lit, ou de son parement plus qu’il ne faut, en sorte qu’elle ne peut plus être posée à l’endroit où elle étoit destinée.

Couper du trait, en termes d’Architecture, c’est faire un modèle en petit avec de la craie ou du plâtre, du bois, ou autre chose facile à couper, pour voir la figure des voussoirs, & s’instruire dans l’application du trait de l’épure sur la pierre par le moyen des instrumens, comme cherches, pameaux, biveaux & équerres dont on se sert en grand. Frézier.

En termes de Maçonnerie, couper le plâtre, c’est