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DAU

Pline, disent que le dauphin meurt aussi tôt qu’il est hors de l’eau, mais l’expérience est contraire à ce qu’ils avancent ; Rondelet dit qu’il a vu des dauphins vivans qui avoient été transportés de Montpellier à Lyon. Le dauphin a la vue très-bonne, & il découvre les poissons qui lui servent de proie, quelque cachés qu’ils soient. On dit que son cri ressemble à la voix d’une personne qui gémit, & qui se plaint ; qu’il se trouve quelquefois des dauphins dans l’eau douce, quoiqu’ils soient ordinairement dans la mer : il s’en voit dans toutes les mers du monde ; ils sont dix ans à prendre leur accroissement, & vivent trente ans.

Le nom dauphin vient du Latin delphinus, formé du Grec Δελφίς, ou Δελφίν. On trouvera dans Vossius tout ce que l’antiquité a dit des dauphins, De Idol. L. IV. C. 3. 8. 9. 12. 14. 16. 19. 21. 32. 37. 48.

Sur les médailles le dauphin entortillé à un trident, ou à une ancre, marque la liberté du commerce & l’empire de la mer. Quand il est joint à un trépied d’Apollon, il marque le sacerdoce des Quindecemvirs, qui pour annoncer leurs sacrifices solennels portoient la veille un dauphin au bout d’une perche par la ville, & regardoient ce poisson comme consacré à Apollon. P. Joubert.

Le dauphin céleste est une constellation de l’hémisphère septentrional, qui consiste en dix étoiles de la nature de Saturne, venteuses & orageuses. Delphinus cœlestis.

DAUPHIN. s. m. Titre des Princes du Viennois en France. Delphinus. Guigues André est le premier qui s’est fait un titre d’honneur de celui de Dauphin. Chorier. T. II. p. 38. La plupart de ceux qui ont cherché l’origine au nom de Dauphin & Dauphiné, ont trop donné de liberté à leur imagination. Les uns ont cru qu’il est venu des Auffinates, ancien peuple dont Ptolemée & Pline font mention ; mais ces Auteurs logent les Auffinates au-delà des Alpes, dans la Gaule Cisalpine. D’autres écrivent que les Allobroges l’ont apporté de Delphes en ce pays. D’autres, que la figure d’un dauphin a occupé le champ de l’écu du Roi Boson. D’autres, que les Princes, qui ont dominé dans le Viennois après Boson, ont choisi ces armes, comme un symbole de leur douceur & de leur humanité. D’autres, qu’elles furent données par un Empereur qui faisoit la guerre en Italie, mais qu’ils ne nomment point, à un Gouverneur de cette Province, qui lui avoit amené un puissant secours en une nécessité pressante, avec tant de vitesse qu’elle mérita d’être comparée à celle d’un dauphin. Thaboct s’est figuré que ce mot est Gothique. Il donne la même origine à ceux de Bresse, de Savoie, de Beaujeu & de Forez. Claude de la Grange croit que ce mot s’est formé de celui de Viennois qui étoit le nom ancien de cette Province, Provincia Viennensis. Quand on demandoit, dit-il, à un homme de cette Province d’où il étoit, il répondoit Du Viene, & le Prince de ce pays s’appeloit le Prince Do Viene, & l’v se changeant en f, à l’ordinaire, le Prince Dofiene, & les deux e étant retranchés, le Prince Dauphin, ou plutôt ie, ne se prononçant que comme un i long, ainsi que font encore les Allemans, & puis se changeant en un seul i, parce que l’e étoit inutile ; ensuite le dernier e étant féminin & muet, & ne se prononçant point, on l’a aussi retranché. Ainsi s’est fait Dofiene, Dofien, Dofin, Dauphin. L’opinion où l’on a été que ce nom venoit de Delphinus, a fait mettre un au & un ph. Chorier prétend que ce n’est là qu’une ingénieuse anagramme & une subtilité ridicule. D’autres disent que Gui le Gras eut une fille qu’il aima beaucoup ; qu’elle s’appeloit Dauphine, & que pour immortaliser son nom il le donna à son pays. L’opinion de quelques autres est que le dernier Comte d’Albon, de qui les biens entrèrent, comme ils disent, dans la maison des Comtes de Grésivaudan, par le mariage de sa fille unique avec le premier Gui, s’appeloit Dauphin. L’aîné de son gendre étant obligé de prendre son nom, comme lui, fut appelé Dauphin, & porta un Dauphin dans ses armes. André du Chesne veut que ce soit le petit-fils de Gui-le-Gras qui ait eu le premier le nom de Dauphin : il ne croit pas néanmoins que ce soit pour la raison qu’on vient de dire, mais parce qu’il lui fut imposé au baptême, & joint à celui de Gui, qu’il porta aussi. Chorier ne trouve rien de solide dans toutes ces opinions. Il remarque donc que Guillaume, Chanoine de Notre-Dame de Grenoble, qui a composé la vie de Marguerite fille d’Etienne, Comte de Bourgogne, mariée à Gui, fils de Gui-le-Gras, nomme simplement celui-ci, Gui-le-Vieux ; & toujours Comte Dauphin, celui-là, que nul Auteur, nul monument n’attribue le titre de Dauphin à Gui-le-Gras ni à aucun de ses Prédécesseurs ; de sorte qu’il faut nécessairement qu’il ait commencé à son fils, dont le successeurs se le sont si constamment attribué, qu’il est devenu le nom propre de leur famille. Il mourut l’an 1142 en la fleur de sa jeunesse ; si bien que c’est environ l’an 1120 que ce titre a commencé, & sans doute, dit-il, dans quelque occasion célèbre. Il remarque en second lieu que ce Prince étoit très-belliqueux, n’aimant que la guerre. Il remarque en troisième lieu que c’étoit la coutume des Chevaliers de charger leurs casques, leurs cotes d’armes, & la housse de leurs chevaux, de quelque figure qui leur étoit particulière, & par laquelle on les distinguoit des autres qui entroient comme eux dans un combat, ou dans un tournoi. De tout cela il conjecture que ce Gui choisit le Dauphin, qu’il en fit le timbre de son casque, qu’il en chargea sa cote d’armes & la housse de son cheval en quelque tournoi célèbre, ou en quelque grand combat où il se distingua ; qu’il y fut appelé le Comte du Dauphin, & puis le comte Dauphin, & il ne doute nullement que ce ne soit de-là que ce nom est venu à lui & à ses descendans.

M. le Président de Valbonnet parle plus juste sur cela. Guigues-le-Gras, fils de Guigues-le-Vieux, épousa Mathilde, que l’on a cru sortie d’une Maison Royale, parce qu’elle a le nom de Regina dans plusieurs titres. Ils eurent un fils nommé Guigues, qui est appelé Delphinus dans un acte passé entre lui & Hugues II, Evêque de Grenoble, vers 1140. Guigo Comes, qui vocatur Delphinus. C’est ce qui a fait dire à quelques Historiens, qu’il n’étoit pas nécessaire pour découvrir l’origine du nom de Dauphin & de Dauphiné, d’avoir recours à des voyages d’outremer, où les Comtes de Grésivaudan aient pris pour armes ou marques de distinction sur leurs écus un Dauphin, & s’en soient fait ensuite un nom de dignité. En effet, cette conjecture n’est appuyée d’aucune preuve. Il n’est pas vrai d’ailleurs que la première & la seconde race de ces Princes aient eu pour armes un Dauphin, puisqu’à peine en peut-on trouver aucun avant Humbert I qui l’ait mis dans son écu. Il est plus vraisemblable que le surnom de Dauphin, que ce Guigues porta le premier, plut assez à ses successeurs pour l’ajouter à leur nom, & pour s’en faire un titre, qui s’est conservé ensuite parmi ses descendans. Rien n’étoit plus commun en ces tems-là que de voir les noms propres devenir des noms de famille, ou de dignité. Les Ademars, les Arthauds, les Aynards, les Allemans, les Bérengers, & une infinité d’autres, ne doivent leurs noms qu’à quelqu’un de leurs ancêtres, qui a transmis dans sa famille un nom qui lui étoit particulier. Valbonnet, p. 2 & 3.

Les Seigneurs d’Auvergne ont aussi porté le nom de Dauphin, & l’on dit Dauphin d’Auvergne, comme Dauphin de Viennois. Mais les Dauphins d’Auvergne n’ont eu ce nom qu’après les Dauphins de Viennois, & l’ont même reçu d’eux ; voici comment. Gui VIIIe, Dauphin de Viennois eut de Marguerite, fille d’Etienne, Comte de Bourgogne, un fils & deux filles ; le fils fut Gui IXe, son successeur. Béatrix, l’une de ses filles, fut mariée au Comte d’Auvergne, qui fut, au rapport de Blondel, Guillaume V, ou plutôt, comme le croient Christophe Justel & Chorier, Robert VI, pere de Guillaume