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DEP

torité de Mlle l’Héritier ne me paroît pas suffisante pour l’accréditer.

DE PRÈS. adv. Voyez PRÈS.

DÉPRESSER. v. a. Terme de Relieur. Ôter de la presse. E prælo detrahere. Il y a assez long-temps que ces livres sont en presse, il les faut dépresser.

Dépresser, se dit aussi des draps, & signifie ôter aux draps le lustre qu’on leur avoit donné par la presse. Nitorem adimere.

DÉPRESSION. s. f. Terme de Physique, qui se dit de l’abaissement qui arrive à un corps qui est lesté & comprimé par un autre. Depressio.

☞ DÉPRESSION, se dit en Chirurgie dans le même sens de l’enfoncement du crâne occasionné par quelque cause externe. Les os du crâne des enfans, à raison de leur mollesse, sont sujets à la dépression. Depressio cranii.

Dépression, signifie en Morale, abaissement, humiliation. Humilitas. Les Supérieurs des Couvens tiennent leurs Religieux dans la dépression pour éprouver leur patience. Un Philosophe est content de vivre dans la dépression, & refuse souvent les emplois honorables qu’on lui présente. Ce mot n’est pas d’un grand usage.

DÉPRÉVENIR. v. pronominal. Abandonner, quitter, mettre bas ses préventions. Insitas, ou susceptas opiniones deponere, abjicere. Il faut, en matière de croyance & de religion, se déprévenir pour examiner avec exactitude la vérité. S. Réal. Ce verbe est toujours pronominal : Se déprévenir. Je me déprévenois de plus en plus. Vous vous êtes déprévenu ; il se dépréviendra à la fin. Ce verbe n’est point transitif ; on ne diroit pas : J’ai déprévenu un tel, pour dire, je l’ai désabusé de ses préventions, je les lui ai fait abandonner, je l’en ai fait revenir c’est-à-dire, que l’effet que ce verbe signifie ne passe point à un autre, ne s’exerce point sur un autre, mais chacun l’exerce sur foi. C’est ce que le commun des Grammairiens a appelé mal-à-propos verbe réciproque, & que M. l’Abbé Dangeau a nommé bien plus proprement verbe pronominal, parce qu’il a toujours pour sujet un pronom, ou la personne même qui agit. Je me dépréviens, tu te dépréviens, il se déprévient. Notre jeune homme se travailloit sans cesse, & s’exerçoit sur toutes sortes de sciences, pour se déprévenir de ses erreurs. Eloge de Pantalon-Phœbus, à la suite du Dict. Néologique. Ce mot n’est usité que dans la conversation. Il est vrai que ce mot a été critiqué par M. l’Abbé Desfontaines : c’est le sort des mots nouveaux. Je crois malgré cela qu’on peut l’employer, même dans le style sérieux, & qu’il est très-propre pour exprimer l’idée qu’on y attache. Se déprévenir renoncer à ses préventions, à ses préjugés. Je crois encore qu’on peut employer ce mot comme verbe purement actif, & qu’on dit très-bien déprévenir quelqu’un. Les Césars de Julien devroient déprévenir, au moins embarrasser ceux qui ont voué une estime exclusive aux productions de l’ancienne Grèce. On se déprévient difficilement d’une erreur agréablement reçue. Hist. de la Phil. Le peuple ne vouloit pas être contredit sur ses anciens préjugés parce qu’il lui en auroit trop coûté pour se déprévenir. Plusieurs autres Auteurs ont fait usage de ce mot dans le style sérieux.

DÉPRI. s. m. Terme de Finance. C’est une déclaration qu’on va faire au Bureau des Aides du lieu d’où l’on veut faire transporter son vin pour le vendre ailleurs avec soumission d’en venir payer le droit de gros, qui est le vingtième selon le prix qu’on l’aura vendu. Declaratio. L’Ordonnance ne parle du dépri qu’à l’égard du vin : néanmoins on le dit aussi des autres déclarations qu’on fait au Bureau des autres marchandises qu’on transporte, dont les droits de douane sont dus, des bestiaux qu’on fait passer debout dans les villes sans payer l’entrée, &c. des droits de péage & autres semblables.

Ce mot vient de deprecari, parce qu’on prie le Fermier de souffrir ce transport. D’autres veulent qu’il vienne de profiteri, parce que les marchandises ainsi déclarées s’appellent en latin merces professæ.

Dépri, se dit aussi, en Jurisprudence féodale, de la notification qu’on fait au Seigneur de l’acquisition qu’on a envie de faire d’un héritage dans sa censive, pour composer avec lui des droits de lods & ventes. Ainsi c’est proprement le supplier d’en faire quelque remise.

Avant que de passer le contrat, on va déprier, c’est à-dire, on va composer des droits, & dans ce cas le Seigneur en remet une partie. Quand la vente est forcée, ou qu’on n’a pas déprié avant le contrat, il n’y a guère de remise.

☞ Dans quelques Coutumes, déprier, signifie notifier au Seigneur l’acquisition qu’on a faite dans sa censive, afin d’éviter l’amende qui seroit encourue après un certain temps par l’acquéreur, faute par lui d’avoir fait cette notification au Seigneur. Cette déclaration doit être sincère ; car, si dans l’acte une partie du prix étoit dissimulé, l’amende seroit encourue de même que s’il n’y avoit pas eu de dépri.

DÉPRIER. v. a. C’est, aller faire au Bureau des Aides, ou à un Seigneur Féodal, la déclaration ou le dépri précédent. Declarare, profiteri. Déprier les lods & ventes, déprier en la péagerie à peine d’amende, sont expressions de Jurisprudence Féodale & de Finances.

Déprier, est quelquefois opposé à prier, & signifie envoyer s’excuser auprès des personnes qu’on avoir invitées, les contremander. Preces revocare. On avoit envoyé prier tous les parens de cette noce, maison les a envoyé déprier, parce que le mariage est sursis ou rompu. Il est du style familier.

Déprié, ée. part.

DÉPRIMER, v. a. Rabaisser, ravaler, rendre vil. Elevare, extenuare, deprimere. C’est le propre des envieux de se déprimer les uns les autres. On cherche ordinairement à déprimer ceux qui ont du mérite. J’ose défendre ma petite Iliade, nom qu’on lui donne pour la déprimer. La Mothe-Houdart. Ce mot n’est guère en usage, & on ne le dit ordinairement que des personnes.

Déprimé, ée. part. Il a la signification de son verbe.

DÉPRIS, DÉPRISE. adj. Vieux mot. Déprisable, comme on disoit autrefois, & comme on devroit encore dire. Qui a perdu, à qui l’on a ôté de son prix, de son mérite, de sa valeur. La petite Sancha ma fille, dit Sancho, viendra aux champs nous apporter à dîner. Mais pourtant, quand j’y songe, elle n’est point trop déprise, & il y a des Bergers qui ont plus de malice qu’on ne croiroit, je ne prendrois pas plaisir qu’on me la vint muguéter, & que la pauvre fille qui n’y entend point de mal, en eût-là pour son compte. Hist. de Dom Quichote, t. 4. c. 67. p. 487.

DÉPRISER. v. a. Tâcher de diminuer la valeur, le mérite de quelque chose. Les envieux tâchent de dépriser la vertu, le mérite de leurs rivaux. Un acheteur déprise la marchandise, tandis que le vendeur la prise de son côté. C’est une espèce d’humilité de se dépriser soi-même, de parler modestement de ses ouvrages. Deprimere, elevare.

Dépriser & Mépriser, ne sont nullement synonymes. On méprise les choses dont on ne fait aucun cas, les vices bas & honteux. On déprise les marchandises que le vendeur prise trop, & souvent les choses les plus estimables, par ignorance ou par jalousie. On peut dépriser la vertu, mais on ne sauroit la mépriser.

Déprisé, ée. part. pass. & adj.

Ce mot vient de depretiare, qu’on a dit dans la basse latinité pour signifier la même chose.

DE PROFUNDIS. s. m. Premier mot d’un Pseaume que l’on récite pour les morts. Ce mot s’emploie comme un mot François. Dire un De profundis. Chanter le De profundis. On ne chante ici que des De profundis, pour dire qu’il meurt beaucoup de personnes, qu’on ne voit que des funérailles.

Suspendons le cours de nos larmes,
Faisons trêve aux De profundis.