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deshonnêtes : elle n’est pas aussi dans les paroles, puisqu’un même mot qui signifie diverses choses, est estimé déshonnête dans une signification, & ne l’est point dans une autre. Mais il faut considérer qu’une même chose peut être exprimée honnêtement par un mot, & déshonnêtement par un autre, si l’on y joint quelqu’autre idée qui en couvre l’infamie, & si l’autre au contraire la présente à l’esprit d’une manière impudente. Port-R. Il seroit bon de retrancher des Dictionnaires tous les mots deshonnêtes, étant plus utile de les ignorer que de les savoir. Id.

Déshonnête & malhonnête ne sont point synonymes. Le premier désigne ce qui est contre la pureté, la pudeur, & se dit des personnes ainsi que des actions, des pensées, des discours, &c. Le second exprime ce qui est contre les bienséances & les usages de la société, ou contre la probité naturelle. Voyez malhonnête & honnête.

DÉSHONNÊTEMENT. adv. D’une manière déshonnête. Immodestè, fœde, turpiter. Noé étoit couché fort déshonnêtement, quand il fut apperçu par ses enfans. Parler déshonnêtement.

DÉSHONNÊTETÉ, ou DESHONNÊTETÉ. s. f. Action ou parole contre la pudeur ou la chasteté. Fœditas, obscenitas, spurcitia. Il ne faut rien dire devant les Dames qui sente la déshonnêteté. Ce mot est peu en usage.

DÉSHONNEUR. s. m. Ce qui préjudicie à l’honneur, qui fait de la honte. Dedecus, infamia, labes, probrum. Un criminel exécuté en Justice fait déshonneur à sa famille. On tient à déshonneur de marcher après une personne à qui l’on a commandé. Cet Ouvrage ne vous fait point de déshonneur.

Mourant sans déshonneur, je mourrai sans regret. Corn.

On dit familièrement prier une personne de son déshonneur, pour dire, la prier de quelque chose qu’elle ne doit pas faire, qu’elle ne doit pas accorder.

DÉSHONORABLE. adj. Qui cause du déshonneur. Turpis, inhonestus, ignominiosus. Action déshonorable. Emploi déshonorable.

DÉSHONORER. v. a. Oter l’honneur, perdre quelqu’un d’honneur. Alicui esse probro, dedecori, labem alicui aspergere, infamiam inferre. Une fille qui s’est laissé séduire est déshonorée. Ce Magistrat est si infame & si ignorant, qu’il déshonore sa charge, qu’il déshonore la robe. Les Prêtres qui se déshonorent par leur dérèglement ou par leur ignorance, font passer du mépris de leur personne à celui de leur dignité. Flech. La colère ne déshonore personne, pourvu que ses émotions soient proportionnées au sujet que l’on a de s’émouvoir. M. Esp. Vous déshonorez le sang dont vous êtes sorti. Rac. Vos actions, votre conduite font déshonneur à votre famille. Vous dégénérez de la vertu de vos ancêtres : vous faites déshonneur à leur mémoire.

Déshonorer une fille, c’est lui ravir l’honneur, en abuser. Stuprare.

☞ En style d’Eaux & forêts, déshonorer un arbre, c’est l’étêter. Decacuminare. Il est défendu par les Ordonnances de déshonorer les arbres, c’est à-dire, de les étêter.

Déshonoré, ée. part.

DÉSHUMANISER, v. a. Dépouiller l’homme de ses sentimens naturels. Humanitatem adimere, tollere. Ce terme a peut-être été imité sur l’Italien du Pastor fido. Prends garde, dit-il qu’en te déshumanisant, nel dishumanarti, tu ne devienne plutôt une bête farouche, qu’un Dieu. Il est heureusement inventé. Vaug. Il ne faut pas déshumaniser l’homme en faveur du Héros. S. Evr.

Déshumanisé, ée. part.

DESJA. Voyez DÉJA.

DESICHI. adv. Vieux mot. Depuis long-temps, jusqu’ici, jusqu’à présent. Gloss. des Poës. du Roi de Nav.

DESIDÉRADE, ou DÉSIRADE. Île des Antilles qu’on nomme aussi Deseade, de son nom Espagnol Deseada, qui signifie la même chose qu’en Latin Desiderata. La Desidérade est la première terre que Christophe Colomb trouva à son second voyage. Il lui donna le nom de Deseada, c’est-à-dire, Desirée, pour marquer le grand desir qu’il avoit de trouver quelques terres, après avoir long-temps erré sur mer. La Desidérade est petite mais fertile, & appartient à la France, L. de P. dans son Hist. des Antilles, l’appelle Désirade. Voyez Liv I. c. 3. art. 4.

DESJEUNÉ. Voyez DÉJEUNÉ.

DESJEUNER. Voyez DÉJEUNER.

DÉSIGNAT. s. m. Nom d’homme. Designatus. A Mastricht le Vénérable Désignat Evêque. Chastelain. Martyr 13 Janvier. Il est marqué comme Saint en ce jour dans le livre intitulé Sacrarium SS. Leodiensum ; quoiqu’on ne voie pas de tradition ancienne de son culte dans les Eglises de Mastricht & de Liège. Ferrarius le nomme Saint aussi en ce jour. Son successeur est nommé Régnignat dans sous les Catalogues, hors celui de Messieurs de Sainte Marthe, qui ont cru qu’il pouvoir être le même que Désignat. Mais Henschenius, dans son Exégèse de l’Episcopat de Tongres, qu’il a écrit depuis avec un examen sérieux, après Désignatus met Resignatus seu Reatus. Id. p. 223.

DÉSIGNATEUR. s. m. Officier Romain qui désignoit, qui marquoit à chacun sa place & son rang dans les cérémonies publiques. Maître des cérémonies, qui régloit la séance, l’ordre, la marche, &c. Designator. Il y avoit des Designateurs dans les pompes funèbres, dans les jeux, aux théâtres, aux spectacles, qui non-seulement assignoient à chacun sa place, mais l’y conduisoient, comme il paroît par le prologue du Pœnulus de Plante, v. 19.

DÉSIGNATIF. adj. Qui désigne, qui spécifie. Quelquefois l’attribut désignatif d’une Puissance paroissoit tout seul. Souvent aussi on joignoit à l’attribut le simulacre qu’on s’étoit formé de cette Puissance ; & souvent, quand on vouloit qu’un même simulacre représentât plusieurs de ces Puissances, on le chargeoit de l’attribut désignatif propre à chacune, ce qui formoit une figure hiéroglyphique composée, qui se nommoit Panthée, soit du mot Grec πάντοι omnis, soit à cause de ce prétendu Dieu Pan, fait pour représenter la Nature entière. Merc. de Mars 1735.

Ces mots viennent de designare ; désigner, marquer.

DÉSIGNATION. s. f. Action par laquelle on marque, on fait connoître quelque chose. Designatio. On fait la désignation d’une terre par tenans & aboutissans, d’une personne par sa taille, son poil, & autres marques qui la peuvent faire distinguer d’un autre.

Désignation, se dit aussi de l’action par laquelle on destine à quelque emploi, à quelque charge. Chez les Romains on faisoit des désignations de Consuls, & d’autres Magistrats, quelque temps avant leur élection.

☞ DÉSIGNER. v. a. Donner à connoître une personne on une chose par quelques marques particulières, les dénoter par des expressions, par des symboles qui les font connoitre : & en parlant du temps, du lieu, marquer précisément l’un & l’autre. Designare, notare. On me l’a si bien désigné, que je le reconnoîtrois entre mille. Cet hiéroglyphe nous désigne telle chose. Ce vent nous désigne de la pluie. Prænunciare, præmonstrare. Désignez-moi un jour certain, le temps, le lieu, & je me trouverai au rendez-vous. Constituere, præfinire.

Désigner, se dit aussi en parlant des personnes que l’on destine à quelque charge, emploi, dignité. Désigner quelqu’un pour son successeur. Le Roi des