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ce que ce seroit comparer l’homme avec soi-même, que prendre un corps humain pour similitude. Il doit encore y avoir de l’unité dans les figures qui servent de corps. On n’entend pas qu’il n’y doive avoir qu’une seule figure ; mais, s’il y en a plusieurs, elles doivent le rapporter à une même, & être subordonnées l’une à l’autre, en sorte qu’il n’y en ait qu’une principale, de laquelle les autres dépendent. Mais moins il entre de figures dans le corps de la devise, & moins elles ont de confusion, plus le corps a de perfection & de beauté. Le corps surtout doit être noble & agréable aux yeux : une figure basse & difforme ne convient point à la devise.

Pour le mot qui anime la figure, il doit lui convenir si bien qu’il ne puisse convenir à un autre. C’est une règle générale de ne point nommer ce qui paroît, & ce que la seule vue fait entendre. Il ne faut pas même que le mot ait un sens achevé, parce que devant faire un composé avec la figure, il ne doit être nécessairement qu’une partie, & par conséquent ne signifier pas tout. Dès que les paroles seules ont une signification complette, on a une notion claire & distincte, indépendamment de la figure. La signification doit résulter de l’une & de l’autre ensemble. Plus le mot est court plus il a de grâce, & le sens suspendu des paroles, qui laisse quelque chose à deviner, fait une des principales beautés de la devise. Il y a du bonheur & de l’esprit à employer les paroles d’un poëte à une chose à quoi le Poëte ne pensa jamais, & de le faire si à propos qu’elles semblent faites exprès pour le sujet auquel elles sont appliquées, pourvu que ce soit sans estropier le vers. En général le mot d’une devise doit toujours être spirituel, & avoir je ne sais quoi qui pique, ou dans le sens, ou dans les paroles. Par exemple : pour exprimer qu’une personne se forme & se perfectionne par les disgrâces, l’on peut se servir d’une statue qu’une main taille avec le ciseau, en y ajoutant ces paroles, perficitur dum cæditur. Bouil.

On met des devises sur les monnoies, sur les jettons, sur les écus des Chevaliers, dans les ornemens, des arcs de triomphe, des feux d’artifice, & autres solennités. Les devises sont des espèces d’images qui représentent les entreprises de guerre, d’amour, d’étude, d’intrigue, de fortune, &c. Les François sont les premiers qui ont fait des devises, & les Italiens les premiers qui en ont donné les règles. Et parmi les Italiens Paul Jove est le premier qui ait donné l’art des devises. De Vign. Marv. Les Pères Ménétrier & le Moine, Jésuites, ont écrit de l’art des devises. Et le P. Bouhours en a fait le sujet d’un des entretiens intitulés, Entretiens d’Ariste & d’Eugène. Le P. Ménétrier a intitulé son Livre, La Philosophie des Images. Il y fait une longue énumération des Auteurs qui en ont écrit, dont il porte son jugement. Il dit que c’est avec le Cardinal Mazarin, qui aimoit les devises, que cet art passa en France, & que depuis on le cultiva. Cet Auteur ne veut point que l’on fasse des règles pour les devises. Le bon sens & les lumières naturelles, selon lui, suffisent.

Le même P. Bouhours, dans un Extrait inséré au Journal de Trévoux, expliquant plusieurs mots François qu’on a accoutumé de confondre, donne une explication courte & nette du mot de devise. C’est, dit-il, un composé de figures tirées de la nature & de l’art, lesquelles on appelle corps, & de paroles courtes, proportionnées à la figure, auxquels on donne le nom d’ame. C’est d’un composé de cette nature, dit le P. Bouhours, dont on se sert pour expliquer notre dessein, ou notre pensée, par comparaison ; car l’essence de la devise consiste dans une comparaison prise de la nature, ou de l’art, & fondée sur une métaphore. Un jeune Seigneur, également brave & ambitieux, eut, dans le dernier carousel de la Cour, une fusée en l’air, avec ce mot Italien, Poco duri, purche m’inalzi, dont le sens est, Je veux bien durer peu, pourvu que je m’élève. On peut faire là-dessus ce discours : de même que la fusée s’élève bien haut, quoique la durée en soit fort courte, il ne m’importe pas de vivre longs temps, pourvu que j’acquière de la gloire, & que je parvienne à une haute fortune ; ce qui forme une juste comparaison. Sur ce pied-là, la devise n’est autre chose, à la bien définir, qu’une métaphore peinte ; ou plutôt, c’est une énigme renversée. Car, au lieu que l’énigme représente la nature ou l’art par les événemens de l’histoire, & par les avantures de la fable, la devise est une représentation des qualités humaines & spirituelles par des corps naturels & artificiels. Ainsi, pour marquer le caractère de Louis le Grand, on a peint le Soleil, qui tout lumineux qu’il est, a encore plus de vertus que d’éclat ; &, pour mieux déterminer le sens de la peinture à cette signification particulière, on y ajoute ce mot Castillan, Mas virtud que luz. On a exprimé le mérite personnel d’une grande Reine par une grenade, avec ces paroles, Mon prix n’est pas de ma couronne. Et le talent d’un homme Apostolique, qui se fait tout à tous, par un miroir, avec ce mot de Saint Paul, Omnibus omnia.

☞ Nous avons dit que le corps humain n’entre point dans les devises, & c’est là une des principales différences entre la devise & l’emblème. Voy. Emblème.

Devise. s. f. ou Devis. s. m. Volonté, avis, service, être à la devise de quelqu’un. Gloss. des Poés. du Roi de Nav. Ces mots signifient aussi séparation, défaut. Ils sont vieux & inusités dans ces significations.

Devise. Autrefois ce mot s’est dit pour testament. Testamentum. Sa maladie crut & efforça tant, qu’il fit sa devise & son legs. Villehard.

Ce mot de devise vient de ce que par son testament on partage, on divise ses biens.

DEVISÉE. Terme de fleuriste. Nom d’une tulipe blanche & rouge. Morin.

DEVISER, v. n. S’entretenir familièrement. Sermocinari, sermonem habere. Il est vieux. Tout en devisant nous voici arrivés à la Ville. Ablanc.

Deviser un chef-d’œuvre, deviser une expérience. Terme de Statuts des Communautés des Arts & Métiers. C’est donner le chef-d’œuvre, ou l’expérience aux Apprentifs ou aux fils de Maîtres qui le présentent, pour être reçus à la Maîtrise, & leur expliquer & désigner quels & comment ils doivent être faits.

SE DEULER. Vieux verbe. Se douloir, s’affliger. Dolere. Ils se deulent, dit Marot.

DEUNX. s. m. Une livre moins une once, onze onces de la livre Romaine, qui en contenoit douze ; onze douzièmes de quelque chose que ce soit. Deunx. Quoique ce terme soit purement Latin, les Antiquaires qui écrivent en François, sont obligés de s’en servir quelquefois, parce que nous n’en avons point dans notre langue qui y réponde. Voyez AS.

DÉVOIEMENT. s. m. Flux de ventre, déjection de matière liquide plus fréquente que dans l’état naturel. Alvi præfluvium. Fluxus ventris. Avoir le dévoiement. Les fruits lui ont donné le dévoiement. Voy. Diarrhée.

DÉVOILEMENT. s. m. Action par laquelle on découvre ce qui étoit caché sous des voiles. Explanatio. Le dévoilement des mystères & des figures du Vieux Testament ne s’est fait qu’à la venue du Messie.

DÉVOILER. v. a. Hausser ou relever le voile d’une Religieuse, & quelquefois faire quitter le voile à une Religieuse, la relever de ses vœux. Velum, velamentum detrahere ; deponere. La plupart des Religieuses ne doivent pas se dévoiler au parloir. Cette Religieuse a été dévoilée dans les formes par autorité de Justice, on a annullé ses vœux. On dit aussi que le ciel s’est dévoilé, lorsqu’il est devenu serein, que le vent en a chassé les nuages qui le couvroient comme d’un voile. Nubes pellere.