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DEV

grand Devin, qu’il devine les Fêtes quand elles sont venues ; ou de celui qui explique une chose claire, qu’il ne falloit point aller pour cela au devin. On dit aussi, je vous le donne à deviner en dix, en cent, &c. pour marquer qu’une chose est difficile à deviner.

DEVINEUR. s. m. Devineresse, s. f. C’est la même chose que Devin. Devin est plus usité au masculin, & Devineresse plus usité que devine.

Devineur ne se dit guère, ou point du tout, qu’en style familier ou badin : on dit communément Devin ; mais le féminin est toujours Devineresse. Un Edit de 1682. 31 Août, Art. I. porte, que toutes personnes se mêlant de deviner, & se disant Devins ou Devineresses, videront incessamment le Royaume, à peine de punition corporelle. Voy. La Mare, Tr. de la Pol. T. I. p. 525. 530.

Allez, beau Devineur, & faites votre compte. &c.
Pavillon.

DÉVIRER. v. n. Terme de Marine. On dit qu’un cable dévire de dessus le cabestan, quand, au lieu d’avancer, il recule.

DEVIS. s. m. Terme d’Architecture & des Arts qui en dépendent, ou qui y ont quelque rapport, comme la Maçonnerie, la Charpenterie, &c. C’est un état par le menu que donnent un Maçon, un Charpentier & autres ouvriers qui travaillent à quelques constructions, qui contient la qualité, l’ordre & la disposition de leur ouvrage, des matériaux qu’il y convient fournir, de leur prix, de leur quantité, & de tous les frais qu’il faut faire pour les mettre en état, sur quoi ils font leur marché avec le bourgeois qui les emploie. Enumeratio rerum singularum. Quand on estime les ouvrages, il faut voir s’ils sont conformes aux devis sur lequel on a fait marché. Devis d’une maison, d’un moulin, d’un vaisseau, d’un bateau, &c. Faire le devis, fournir, donner, demander le devis.

☞ DEVIS. s. m. Vieux mot. Entretien familier. Familiare colloquium. Devis agréables ou joyeux.

DÉVISAGER, v. a. Blesser quelqu’un au visage, en sorte qu’il en soit défiguré. Deformare, lacerare vultum alicujus. Une fusée lui a crevé entre les mains, qui l’a tout dévisagé.

On le dit même des égratignures. Ce chat lui a donné quelques coups de griffe qui l’ont dévisagé. Si vous reprochez à une vieille son âge, elle tâchera de vous dévisager.

Dévisagé, ée. part. Deformatus, laceratus.

DÉVISANCE. s. f. Vieux mot. On a dit la dévisance des armes d’Achille, pour dire, le blason de ses armes.

DEVISE. s. f. Terme de Blason. Ce mot se dit en général des chiffres, des caractères, des rebus, des sentences de peu de mots, & des proverbes, qui, par figure ou par allusion, avec les noms des personnes ou des familles, en font connoître la noblesse ou les qualités. Pictura cujus sensus, significatio, aut litteris, aut verbo, aut sententiâ innuitur. La devise, en ce sens, est d’un usage bien plus ancien que le Blason, & c’est d’elle que les Armoiries ont pris leur origine. Ainsi l’aigle a été appelée la devise de l’Empire. Le {{|S. P. Q. R.}} étoit la devise du peuple Romain, qui est encore aujourd’hui ce qu’on appelle l’Ecu de la ville de Rome. Les premières devises ont été de simples lettres semées sur les bords des cottes d’armes, sur les houssures & dans les bannières. Ainsi le K a été la devise de nos Rois nommés Charles, depuis Charles V jusqu’à Charles IX. Il y a eu aussi des devises par rebus, équivoques, ou allusions tant au nom qu’aux armes. Messieurs de Guise ont pris des A dans des O, pour signifier, Chacun à son tour. La Maison de Sénecei, In virtute & honore senesce. Morlais, S’il te mords, mord-le. Ceux qui ont eu des tours dans leurs Armoiries, Turris mea Deus, &c. Il y en a eu d’autres énigmatiques, ou à demi-mot, comme celle de la Toison d’Or, Autre n’aurai ; pour dire, que Philippe le Bon, qui institua cet ordre, renonçoit à toute autre femme qu’à Isabelle de Porcugal qu’il épousoit alors. Les devises contiennent quelquefois des proverbes entiers & sentences, comme celle de César de Borgia, Aut Cæsar, aut nihil. On met les devises des Armes dans des rouleaux, ou listons tout autour des Armoiries, ou bien en cimier, & quelquefois aux côtés & au-dessous, & celle des Ordres sur les colliers. Ces sortes de devises sont héréditaires dans les familles de ceux qui les ont prises.

Ce mot devise est très-ancien dans notre langue, & vient de dividere, diviser, & il se donnoit aux choses dont on vient de parler, & à celles dont on va encore parler ci-après, parce qu’elles servoient à diviser, à séparer, à remarquer, à distinguer les gens. Et le P. Ménétrier prétend qu’il y a autant de différentes espèces de devises, qu’il y a de différentes manières de se distinguer des autres, ou de figures sensibles, & de paroles capables d’exprimer les qualités, les emplois, les vertus, les actions, &c. des personnes, & de les faire connoître, ou distinguer des autres.

Devise, en termes de Blason, se dit de la division de quelques pièces honorables de l’Ecu. Quand une fasce n’a que la troisième partie de sa largeur ordinaire, elle s’appelle fasce en devise, ou devise seulement ; & il n’y en doit avoir qu’une en un Ecu. Minuta fascia. On le dit aussi du chef, lorsqu’on le pose en sa partie basse, & qu’il n’a que le tiers de sa largeur ordinaire ; & alors on l’appelle chef du second surmonté, ou charge de tant d’étoiles, de molettes, ou autres meubles semblables. Ce mot de devise s’est dit, parce qu’elle servoit à diviser, à séparer, & à remarquer les gens & les parties ; ce qui se faisoit par les habits, les livrées, les écharpes, & enfin par les paroles ou sentences particulières que les Chevaliers prenoient pour se faire remarquer. On les a ensuite posées sur les Ecus, d’où sont venues insensiblement les Armoiries. On disoit en vieux François, Faire sa devise ; pour dire, faire son testament ou la division de ses biens, comme on voit dans Villehardouin.

On a appelé aussi autrefois devise, les robes de deux couleurs, comme sont celles des Maires & Echevins, & des Huissiers & Bedeaux des Villes, des Paroisses & des Communautés des Marchands : & cela par la même raison qu’elles étoient divisées en deux couleurs. Vestis bicolor.

Les bornes des champs se nommoient autrefois devises.

Devise, se prend maintenant en un sens plus étroit, & signifie un emblème, qui consiste en la représentation de quelque corps naturel, & en quelque mot qui l’applique dans un sens figuré à l’avantage de quelqu’un. Symbolum heroïcum. Le tableau, ou la figure s’appelle le corps. Corpus. Et le mot, l’ame de la devise. Inscriptio. C’est une métaphore qui représente un objet par un autre avec lequel il a de la ressemblance. Ainsi une devise n’est vraie, que quand elle contient une similitude métaphorique, & qu’elle se peut réduire en comparaison. Enfin, c’est une métaphore peinte & visible, qui frappe les yeux. Il faut tout cela pour une devise : autrement une figure ne fait qu’un symbole hiéroglyphique & les paroles seules ne font qu’une diction, ou une sentence. De plus, les figures qui entrent dans la composition de la devise ne doivent avoir rien de monstrueux, ni d’irrégulier ; rien qui soit contre la nature des choses, ou contre l’opinion commune des hommes. Il ne faut pas aussi unir ensemble des figures qui ne se rencontrent point d’ordinaire, & qui n’ont nulle liaison d’elles-mêmes : car la métaphore doit être fondée sur quelque chose de réel & de certain, & non pas sur le hasard ou sur l’imagination. On en excepte les unions bizarres & chimériques établies dans les fables : l’usage & l’autorité des Poëtes les font passer pour naturelles. Le corps humain n’entre point dans les devises, par-