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pour la patrie, comme fit Décius, qui après s’être dévoué, se jeta à travers les ennemis, où il fut tué. Devovere se. Les Décius, qui se dévouèrent pour l’intérêt d’une société dont ils alloient n’être plus, me semblent de vrais fanatiques. S. Evr. Dès le lendemain qu’on eut donné à Octavien le nom d’Auguste, Pacuve, Tribun du peuple, commença à dire qu’il se vouloit dévouer & consacrer à lui, comme cela se faisoit parmi les barbares, pour lui obéir aux dépens même de sa vie, quoiqu’il lui pût commander. Son exemple fut aussitôt suivi de tous les autres ; & la coutume s’établit enfin, qu’on n’alloit point saluer les Empereurs sans dire qu’on leur étoit dévoué. Auguste, faisant semblant de s’opposer à cette lâche & infâme flatterie, ne laissa pas d’en recompenser l’Auteur. Tillem.

Il est aussi actif. Il a dévoué ses enfans au service de la patrie, au service du Prince. Consacrer, donner sans réserve.

Dévoué, ée. part. & adj. Devotus, consecratus, addictus, obstrictus, deditus.

DÉVOULOIR. v. a. Cesser de vouloir. A volendo rem aliquam abstinere. Malherbe en est l’inventeur. Il est fort commode & fort significatif, & il seroit à souhaiter qu’il fût en usage : mais il ne s’est point établi. Vaug.

DÉVOYER. v. a. Détourner de la voie, du chemin. Se dévoyer, sortir de la voie, s’égarer du droit chemin. A via aberrare. C’est une œuvre de charité de remettre dans le bon chemin ceux qui se sont devoyés. Les Ouvriers disent aussi, Devoyer une ligne, un tuyau de cheminée, un tenon ou autres pièces d’assemblage de leur à-plomb ; ce qui se fait quand on les détourne hors de la ligne droite. Declinare, obliquare. Ce mot est un composé de voie, comme qui diroit hors de la voie. On ne s’en sert plus dans le bon style ; en sa place on dit Égarer.

Dévoyer, se dit plus ordinairement, au figuré, des Hérétiques qui se sont séparés de l’Église, qui sont sortis de la bonne voie. Aberrare, errare. Il faut tâcher de ramener dans la voie du salut ceux qui s’en sont dévoyés. Il est mieux de dire égarés.

Dévoyer, en Médecine, se dit pour marquer l’effet ordinaire des indigestions. Resolvere. Les raisins & autres fruits cruds dévoient les estomacs foibles.

Dévoyé, ée. part. pass. & adj. Il a les significations de son verbe. On appelle, en termes de maçonnerie, un tuyau dévoyé un tuyau de cheminée, qui, après avoir monté verticalement, se détourne de sa ligne droite. Ac. Fr. 1740.

Ce mot dévoyé vient du mot Latin deviare, qui signifie la même chose, c’est-à-dire, selon l’étymologie, mettre hors de la voie.

DEUSDEDIT. s. m. Nom propre d’homme, composé de deux mots Latins, Deus, Dieu, & dedit, a donné, & qui est la même chose que Nathanaël en hébreu, & Donnadieu en François. Deusdedit. Nous conservons ce mot en notre langue pour les Anciens qui l’ont porté, & nous disons fort bien S. Deusdedit, Pape, étoit Romain ; il succéda à Boniface IVe le 13 Nov. 614, & mourut le 8 Nov. 617. Deusdedit, Cardinal, qui vivoit dans le XIe siècle, dédia à Victor III une collection des Canons qu’il fit. Il est encore Auteur d’un Traité De privilegiis Rom. sedis.

DEUSEN. s. m. Ville d’Afrique, dans la Province de Zeb, au désert de Numidie. Elle est ancienne, & a été bâtie par les Romains sur les confins du Royaume de Bugie.

DEUTÉROCANONIQUE. Terme dogmatique de Théologie. Livre sacré de l’Écriture qui a été mis plus tard que les autres dans le Canon, soit parce qu’il a été écrit après que les autres y étoient déjà, soit parce qu’il y a eu quelque doute de sa canonicité. Deuterocanonicus. Les Juifs reconnoissent, dans leur Canon, des livres qui n’y ont été mis qu’après les autres. Ils disent que, sous Esdras, une grande assemblée de leurs Docteurs, qu’ils appellent par excellence la Grande Synagogue, fit le recueil des Livres saints que nous avons encore aujourd’hui dans l’ancien Testament Hébreu ; & il est bien certain qu’elle y mit des livres qui n’y étoient point avant la captivité de Babylone, comme ceux de Daniel, d’Ezéchiel, d’Aggée, &c. & ceux d’Esdras & de Néhémias. De même l’Eglise en a mis quelques-uns dans le Canon qui ne sont point dans celui des Juifs, & qui n’ont pu y être, puisque plusieurs n’ont été composés que depuis le Canon fait du temps d’Esdras ; la Sagesse, l’Ecclésiastique, les Machabées. D’autres n’y ont pas été mis sitôt, parce que l’Eglise n’avoit point encore examiné leur canonicité : ainsi, jusqu’à son Examen & son Jugement, on a pu en douter. Mais, depuis qu’elle a prononcé sur la canonicité de ces livres, ou de ces parties de livres de l’Ecriture, il n’est pas plus permis d’en douter, qu’il ne fut permis aux Juifs de douter de ceux du Canon d’Esdras ; & les Deutérocanoniques ne sont pas moins canoniques que les Protocanoniques, puisque la seule différence qu’il y a entre les uns & les autres, c’est que la canonicité de ceux-là n’a pas été reconnue généralement, & qu’elle n’a pas été examinée & décidée par l’Eglise, sitôt que celle des autres.

Les Livres Deutérocanoniques sont, le livre d’Esther, ou tout entier, ou pour le moins les sept derniers chapitres de ce livre ; Tobie, Judith, le livre de la Sagesse, l’Ecclésiastique, Baruch, les deux livres des Machabées, l’Epître aux Hébreux, celle de S. Jacques, & celle de S. Jude, la seconde de S. Pierre, la seconde & la troisième de S. Jean, avec son Apocalypse. Les parties Deutérocanoniques de livres sont dans Daniel, l’Hymne des trois enfans & l’Oraison d’Azarie, les Histoires de Susanne, de Bel & du Dragon ; le dernier chapitre de S. Marc ; la Sueur de sang, & l’Apparition de l’Ange racontées en S. Luc, C. XXII. l’Histoire de la Femme adultère en S. Jean, C. VIII. Voyez l’Œconomia Bibliorum d’Ederus, p. 19. B. Michaël de Médina. De Rectâ in Deum fide, L. VI, C. 10. Serarius Prolegom. C. 7. Bonfrerius Præloq. C. 3. Ménochius Proleg. C. 7.

Ce mot est Grec & composé de Δεύτερος, second, & Κανονικὸς, Canonique, parce que ces livres ne sont que les seconds Canoniques, les autres l’ayant été avant ceux-ci, ce qui ne signifie pas qu’ils aient moins d’autorité.

DEUTÉRONOME. s. m. L’un des Livres Sacrés qui composent le corps des Saintes Écritures, qu’on appelle autrement la Bible, le cinquième de ceux de l’ancien Testament, & le dernier de ceux que Moïse fit. Deuteronomium. Il ne paroît pas que Moïse eût distingué ce qu’il écrivit en différens livres, & qu’il eût donné différens titres, ou différens noms aux parties de son ouvrage. Encore aujourd’hui les Juifs ne distinguent point, comme nous, dans les exemplaires dont ils se servent dans leurs Synagogues, & l’écrivent tout de suite, comme un seul ouvrage, sans autre distinction que celles des parasches petites & grandes. Dans les autres exemplaires qui sont à l’usage des particuliers, à la vérité ils les distinguent en cinq parties, comme nous ; mais ils ne leur donnent point d’autre nom que les premiers mots par où commence chaque division, à peu près comme en citant un décret, ou un chapitre du Droit Canon, nous les nommons ou nous les désignons par les premiers mots par lesquels ils commencent. Ainsi les Juifs appellent la première partie de l’ouvrage de Moise בראשית Bereschit, parce qu’elle commence par cette diction. De même la seconde, הואלה שמות ; Ve elleh Schemot ; La troisième ויקרא, Vajikhrah ; la quatrième וידבר, Vajiedabber ; la cinquième אלה הדבריﬦ, Elleh haddebarim, qui en sont les premiers mots. Cet usage est très-ancien parmi les Rabbins, comme il paroît par les anciens Commentaires sur ces livres, appelés בראשית רבה, Bereschit Rabba, ואלה שמות רבה Veelleh schemot Rabba, &c. & par le Prologus Galeatus de S. Jérôme. Ce furent les Septante qui, quand ils firent leur tra-