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Dom-Quichotte, Chap. 46, p. 425 dit, en parlant du Comté que son Maître lui avoit promis : « Je ne m’amuserai point à marchander, je vous mettrai bientôt le Fermier en possession, & moi je mangerai mes rentes comme un Prince. Du reste qu’on en fasse des choux & des raves, Diable-zot si je m’en soucie… » Et, dans le Curieux impertinent de M. Destouches, Acte 3. Scène 8. Nérine dit à Julie, inquiète au sujet des délais & du refroidissement de son Amant :

Crispin, Madame, en sait quelque chose peut-être.
Allons, il faut qu’il jase au défaut de son Maître.
Crispin ........ répond Diable-zot.
Nous ne jasons pas nous, comme vous autres femmes.

Voyez zot dans le Dictionnaire.

On le dit aussi par exclamation & imprécation, à quoi Diable pensiez-vous, de faire ce mariage ? à quel Diable en voulez-vous ? On dit d’un méchant homme, qu’il ne craint ni Dieu ni Diable.

On emploie ce mot odieux dans une infinité de phrases, dans le discours familier, pour marquer la colère, l’indignation, l’étonnement, &c. en interrogeant, en répondant, en riant, en parlant sérieusement, &c. ô Diable ! si je vous entends. Que Diable est-ce là ? A qui Diable en voulez-vous ? Diable ! cela est-il vrai ? Comment Diable une femme donneroit quatre pistoles d’un pot de pommade ? Fi, au Diable, je ne souffre point ces canailles-là. Diable, la somme est forte. Nenni, Diable, nenni, dès que le crédit chancelle, il n’y a plus rien à faire, &c. Les Comédies sont remplies de ces sortes d’expressions.

On dit, dans un dépit, Diable soit de cela, Diable soit de cet homme là : Diable soit de l’Avocat, pourquoi me l’a-t-il fait si longue, disoit un Magistrat, à qui la mémoire manquoit dans une harangue qu’il avoit fait faire par un Avocat.

Avocat du Diable. On appelle ainsi, populairement, le Promoteur de la Foi dans la Congrégation de la Béatification & Canonisation des Saints, parce qu’il examine avec soin les preuves de Sainteté & les miracles que l’on produit, qu’il tâche de les infirmer, & qu’il forme toutes les difficultés & les objections que l’on peut faire contre ces preuves & ces miracles ; & qu’en général il fait ce qu’il peut pour empêcher la béatification ou la Canonization proposée.

Du Diable. Façon de parler adverbiale, pour nier fortement une chose. On dit que vous allez vous marier ? du Diable, je suis bien éloigné de faire une telle folie. La Fontaine a dit, au Diable, dans le même sens.

Devant sa porte l’on rencontre
Mille pas d’animaux dans sa caverne entrés
Mais au Diable, si l’on m’en montre
Un unique de ceux qui s’en sont retirés.

Cette expression convient particulièrement au style burlesque. Aussi Scarron l’a-t-il employée dans son Virgile travesti, L. I.

A plusieurs révérence il fit,
Au Diable si l’on lui rendit.

A la Diable ; c’est-à-dire, fort mal. Voilà un habit fait à la Diable.

L’ouvrage fait, elle en coeffe à la Diable
L’humanité du petit misérable.

Le Lutrin vivant de M. Gresset.

Diable, est aussi une manière d’adjectif, comme lorsque l’on dit, il faut être bien Diable pour faire une telle action pour dire, il faut être bien méchant, bien enragé.

Diable. Nom de plusieurs personnes, ou familles, ou surnom qu’elles ont pris, ou qu’on leur a donné. Il y a un Guillaume surnommé le Diable, c’étoit un Moine Anglois. Dans l’Histoire des Comtes de Poitou : Hugues VI, Sire de Lusignan, est surnommé le Diable. Robert, Duc de Normandie, fils de Guillaume le Conquérant, fut aussi surnommé le Diable. Olivier le Dain, s’appeloit Olivier le Diable. On ne sauroit traduire en François que par le nom de Diable, le nom de la famille de Troll en Suède, & celui de la famille de Teufel en Autriche, parce que troll en Suédois, & teufel en Allemand, veulent dire Diable. La famille de Saint Guétas en Bretagne, a changé son nom de Diable, qu’elle portoit autrefois, en celui de Saint Guétas, qu’elle a porté depuis. Le P. Briet, & le P. Labbe, prétendent que cette famille avoit pris son nom de Diable des endroits de la Bretagne appelés Diableres. Voyez M. Ménage Hist. de Sablé.

Diable de mer. Poisson qui se trouve vers les côtes de Pensilvanie. Sa grosseur est de quatre pieds de diamètre. Sa peau est rude & noire. Sa tête est plate, ses dents aiguës, dont il y en a deux recourbées, comme les défenses d’un sanglier. Il a deux cornes sur les yeux, qui tournent sur son dos, comme celles du bélier. Sa chair est venimeuse, & cause des vomissemens mortels.

Diable de mer, est aussi le nom d’un oiseau aquatique. C’est une espèce particulière de poule d’eau, qu’on appelle Macroule en Normandie ; à Paris on lui donne le nom de Diable de mer. Il se plonge incessamment dans l’eau douce. Il est d’un noir si obscur, qu’il en paroît terne. Il a une tache blanche sur la tête, plus grande que celle de la poule d’eau, & est d’une taille plus grande qu’elle. Il traîne ses jambes après lui. Ses doigts sont larges & séparés. Faultrier.

Diable, ou Diablotin. Oiseau que l’on voit dans l’Amérique, & spécialement à la Guadeloupe, & à la Dominique. C’est un Oiseau de passage qui vient dans ces îles vers le mois de Septembre, & qui y demeure jusqu’au mois de Mai. Il est de la grosseur d’une jeune poule qui n’a pas encore pondu. Son plumage est noir, les jambes sont courtes, ses pieds comme ceux des canards, mais garnis de longues & fortes griffes. Son bec est long de prés de deux pouces, courbé, pointu & fort dur. Il a de grands yeux à fleur-de-tête qui ne lui servent que la nuit ; car il ne peut supporter la lumière, ni discerner les objets. Ces oiseaux se retirent dans des trous, comme des Lapins, & n’en sortent que la nuit pour aller pêcher du poisson dont ils font leur nourriture. Ils crient en volant, comme s’ils se répondoient les uns aux autres. Ils s’accouplent, pondent & font leurs petits dans les Iles, & ils ne s’en retournent que lorsqu’ils sont en état de voler, qui est sur la fin de Mai. On mange les Diablotins, quoique la chair en soit noire & sente le poisson, parce qu’elle est bonne & fort nourrissante. On mange aussi leurs petits que l’on appelle des cottous ; mais ils sont par trop gras.

Diable, en termes d’Artillerie. C’est la même chose que le Chat. Voy. ce mot.

Diable. Espèce de levier dont les Maréchaux grossiers se servent pour faire passer les bandes de fer sur les roues des voitures, lorsqu’ils bandent ces roues d’une seule pièce. Encyc.

☞ On donne le même nom à un grand chariot à quatre roues, qui, par des verrins, sert à enlever & à conduire de grands fardeaux, & à une machine à deux roues dont se servent les Charpentiers pour porter quelques morceaux de bois.

Diables (mille), étoient de fameux voleurs, qui, vers l’an 1515, pour se rendre plus terribles ; se firent nommer les mille Diables. De-là, pour dire fort méchant, on dit d’abord, méchant comme les mille Diables : ensuite on a transporté cette expression à tout ce que l’on veut exagérer ; mais elle