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DIO

rangs faisoient deux portiques qu’ils appeloient ailes. Dipterus

Ce mot est Grec, δις signifie deux fois ; & πτέρον ala, aile. Voyez VITRUVE.

DIPTYQUES. s. m. C’étoit le registre public sur lequel s’inscrivoient les noms des Consuls, & des magistrats chez les Payens ; des Evêques & des morts chez les Chrétiens. Acta, actorum codex. Diptyca, orum. L’Empereur ordonna que le nom du nouveau Patriarche fût mis dans les sacrés Diptyques. Le P. Doucin. Justinien, offensé que le Pape Vigile eût refusé de souscrire la condamnation des trois Chapitres, ordonna que son nom fût rayé des Dyptiques. Du Pin.

Il y avoit des diptyques prophanes dans l’Empire Grec, comme il y avoit des diptyques sacrés dans l’Eglise Grecque. Les diptyques prophanes étoient la matricule, ou le registre où croient les noms des Magistrats. Diptyques, en ce sens, est un terme de la Chancellerie de l’Empire Grec.

Diptyques sacrés, terme de Lithurgie. Ce mot est pluriel, parce que les diptyques étoient un double catalogue ; dans l’un, on écrivoit les noms des vivans ; &, dans l’autre, les noms des morts qu’on devoit réciter durant le sacrifice. Nous avons dans le Canon de la Messe, dans le rit Latin, quelque chose de semblable aux diptyques sacrés des Grecs ; car, dans le Canon, on prie une fois pour les vivans, & une fois pour les morts ; on invoque plusieurs Saints en deux différens temps ; on prie pour le Pape, pour l’Evêque du lieu, en France, pour le Roi.

Gentien Hervet explique le mot diptyque, διπτυχα, par celui de corporaux, Meurtius, par celui de livres Ecclésiastiques, libellos Ecclesiasticos : ni l’un ni l’autre de ces deux Auteurs, qui étoient d’ailleurs très habiles & ; très-versés dans la connoissance des antiquités Grecques, n’a donné le vrai sens de ce mot. Les diptyques n’étoient ni des corporaux, ni des livres Ecclésiastiques ; mais deux tables ou tablettes semblables, pour la figure, aux deux tables de la loi qu’on donne à Moise : sur une de ces deux tables on écrivoit le nom des vivans ; & sur l’autre, le nom des morts pour qui l’on prioit : c’étoit le Diacre qui lisoit ces noms durant le saint sacrifice. On appeloit autrefois le temps des diptyques, le temps ou on lisoit les diptyques durant le sacrifice. Diptycorum tempus. On écrivoit dans les sacrés diptyques les noms des Evêques qui avoient bien gouverné leur troupeau, & on ne les en ôtoit jamais, à moins qu’ils ne fussent convaincus d’être tombés dans l’hérésie, ou dans quelque crime. On marquoit de plus dans les diptyques sacrés les noms de ceux qui avoient fait quelque bien aux Eglises, soit qu’ils fussent vivans, ou qu’ils fussent morts ; on faisoit mention d’eux dans la célébration de la liturgie. Le P. Rosweyd dit que l’on ne mettoit guère dans les actes diptyques d’autres noms que ceux des Evêques & des Patriarches ; & il doute si les sacrés delta, dont parle le faux saint Denis, Eccles. Hierarch. C. II. & dans lesquels on mettoit les noms des nouveaux baptisés & de leurs parrains & marraines, étoient la même chose que les diptyques. Il convient cependant après, qu’on y inséroit aussi les noms des Empereurs & des autres grands hommes distingués par leur foi & leurs mérites, ou leurs bienfaits. Meursius, dans son Glossarium Græco-barbarum, a cru que le nom de diptyques venoit de ce qu’il y avoit deux livres, dans l’un desquels on écrivoit les vivans, & dans l’autre les morts. Il se trompe. Ce n’en étoit qu’un, dans lequel les vivans étoient marqués d’un côté, & de l’autre les morts ; &, si l’on écrivoit les vivans dans un livre, & les morts dans l’autre, l’un & l’autre en particulier s’appeloit diptyque, & non pas tous les deux ensemble, comme l’a remarqué Rosweyd ; & l’on ne voit pas pourquoi, après les savantes remarques de ce Père, Bollandus, dans la vie de S. Atticus, P. C. Act. Sanct. Jan. T. I. p. 578. & suiv. suit encore l’opinion de Meursius. Il semble qu’il ne connoît pas ce qu’avoit fait Rosweyd sur les diptyques. Atticus, successeur d’Arsacius dans le siège de Constantinople, & qui, tout Saint qu’il étoit, avoir été fort contraire à S. Jean Chrysostôme, ne voulut pas le mettre d’abord dans les sacrés diptyques après sa mort ; mais enfin il le fit, & les Evêques d’Egypte, de l’Orient, du Bosphore & de Thrace, lui rendirent leur communion. Voyez sur ce différend, Bollandus dans la vie de S. Atticus, Acta Sanctor. Jan. T. I. p. 477, & suiv. §. V. VI. & VII.

Casaubon, dans ses Observations sur Athénée, L. VI. Ch. 14. croit que les Chrétiens avoient pris la coutume d’écrire ces noms dans un Livre, & de les réciter à la Messe, qu’ils l’avoient prise, dis-je, des Payens, qui faisoient mettre dans les vers des Saliens, les personnes à qui ils vouloient faire honneur d’une manière singulière ; comme on le fit à Germanicus & à Verus fils de Marc-Aurele : & long-temps avant, pendant les temps de la République, à Mamurius Vetutius & à Lucia Volumnia : ainsi que le rapportent Tacite Liv. II. Spartien dans Marc-Aurele, Varron, Ovide, Pompeius Festus, Plutarque. &c. Rosweyd n’approuve point cette idée de Casaubon. Le prétendu S. Denis, Auteur ancien, dit le contraire, & prétend que l’établissement de cet usage est fondé sur l’Ecriture 2. Tim. II. ℣ 9. Ps. CXV. 15. Rosweyd ajoûte Eccl. XLIV. 1. & croit que ce sont ces endroits que l’ancienne Eglise a eus en vue, plutôt que les vers Saliens.

Les diptyques prophanes s’envoyoient souvent en présent, & on les donnoit même aux Princes ; & alors on les faisoit dorer, comme il paroît par Symmaque, L. II. ép. 81. Le plus ordinairement ceux dont on faisoit présent étoient d’ivoire. La loi 1. de expens. Ludor. C. Theod. défend à tous les Magistrats qui sont au-dessous des Consuls, de donner des diptyques d’ivoire dans les cérémonies publiques. Le P. Rosweyd Jésuite, avoue qu’il ne voit point d’où venoit l’usage de donner des diptyques en présent. Lud. Carrion, L. II. Emendat. C. 6. croit qu’il vient de ce qu’on faisoit présent de ces sortes de tablettes, à ceux qui avoient été nommes Questeurs, parce qu’elles devoient leur être d’usage. Il semble que les diptyques étoient d’abord des tablettes dont se servoient les Amans. Papias les définit Tabellæ in quibus amores scribebantur. Voyez encore Juvénal, Sat. IX. 37. & le Glossaire de Cambron cité par Rosweyd. Carrion croit que les diptyques étoient toujours d’ivoire. Le P. Rosweyd s’inscrit en faux contre ce sentiment, & montre par deux endroits d’Ovide, qu’ils étoient quelquefois de bois. Cet Auteur dit qu’il a vu un diptyque sacré d’ivoire dans l’Eglise de St. Lambert de Liège. Il croit que c’étoient des diptyques consulaires, dont l’on a fait des diptyques sacrés. Il y en a de semblables à S. Etienne, Cathédrale de Bourges.

Jean-Baptiste Cardonna, Evêque de Tortose, a fait un petit Traité sur les diptyques, à la prière du Cardinal Gabr. Paleoto. Il fut imprimé à Tarragone en 1587. Durand en parle, De Ritib. Eccles. C. 43. & Angelus Rocca sur le Sacramentaire de Saint Grégoire. Voyez aussi le P. Rosweyd, qui a fait une savante Dissertation sur cela dans son Onomasticon, au mot Diptychum ; le Card. Bona, Rerum Liturg. L. II. C. 12. M. Baluze sur les Capitulaires, p. 1129. & du Cange dans son Glossaire. Bollandus, Acta Sanct. Jan. T. I. p. 473. & suiv. Fabro. Gloss. sur Cedrenus. On a dit quelquefois Diptagus.

Le mot de diptyques a beaucoup d’autres significations : mais, comme elles n’ont point passé dans notre langue, nous renvoyons au P. Rosweyd & à M. du Cange.

Diptyques vient de διπτυχον, & διπτυχα. Il vient de διπτυξ, nom masculin dérivé de πτύσσω je plie. De son futur πτύξω, se fait πτυξ, un pli, & avec δις, deux fois, διπτυξ, au génitif, διπτυχος, d’où se fait le nominatif neutre διπτυχον, diptyque, c’est-à-dire,