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le dans de l’eau chaude un linge, dont on couvre la chapelle à différentes reprises, afin d’attirer en haut la distillation ; mais il faut auparavant avoir ôté l’eau superflue qui étoit dans la chapelle. Faire cette opération, cela s’appelle distiller à froid. Voy. Audiger, dans son livre intitulé : La Maison réglée, &c.

Distiller en montant. C’est distiller à la manière ordinaire, en mettant le feu sous le vaisseau où sont les matières, dont on veut tirer quelque chose par distillation.

Distiller en descendant. C’est distiller de manière que le feu soit au-dessus de la matière, dont on veut tirer quelque chose par distillation.

Distiller. v. n. Se dit pour couler, tomber goutte à goutte. Stillare, distillare. On voit des gouttes d’eau distiller des voûtes. On voit des gommes, des résines distiller de certains arbres.

Distiller. Il y a toujours eu dans le monde des Alchymistes, qui ont distillé les choses humaines, & donné plus de liberté qu’ils ne doivent à leurs conjectures, & à leurs soupçons. Balz.

La colère dans l’ame, & le feu dans les yeux,
Il distilla sa rage en ses tristes adieux. Boil.

En blâmant ses écrits, ai-je, d’un style affreux,
Distillé sur sa vie un venin dangereux ? Id.

On dit aussi d’une personne qui pleure abondamment, qu’elle se distille, ou se fond en larmes.

Distillé, ée. part. Succus rei alicujus expressus. Le vinaigre distillé est un dissolvant des plus forts.

DISTINCT, incte. adj. Ce qui n’est pas la même chose qu’une autre. Distinctus. Nous avons en nous un principe intelligent, tout-à-fait distinct du corps & de la matière. Maleb.

Distinct, se dit aussi des choses qui sont nettes & claires, sans confusion. Une voix distincte, qui prononce & sépare bien ses paroles. Une vue distincte, qui voit les objets sans contusion. Nous ne devons croire avec certitude que les choses dont nous avons une idée claire & distincte. Bayl. Considérons nos défauts d’une vue distincte, afin de nous découvrir à nous-mêmes tels que nous sommes. Nicol. Le peuple n’est point accoutumé à faire une réflexion précise & distincte sur les principes de la Religion. S. Evr.

DISTINCTEMENT, ad. D’une manière distincte. Distinctè. Un bon Orateur doit parler distinctement, s’expliquer distinctement. Le souvenir de son époux expirant la touche vivement, & cet objet funeste est encore stop proche, pour lui laisser sentir distinctement sa douleur. P. de Cl. Quand un dogme est clairement & distinctement dans l’Ecriture, c’est à la raison à céder. S. Evr.

DISTINCTIF, ive. adj. Qui distingue une chose de toute autre. Peculiaris, proprius, specificus. Ce mot ne se joint qu’avec celui de caractère. Le caractère distinctif de la nation Françoise, c’est la valeur. Un autre caractère distinctif des François, c’est la politesse, & une manière de vivre aisée & sans gêne. Le caractère distinctif de cette plante consiste dans la forme de sa fleur, & dans sa graine. On pourroit dire aussi une marque distinctive. Si le caractère essentiel & distinctif de la versification françoise, consistoit dans les transpositions, ainsi que l’assure le Père du Cerceau. L’Abbé Desfontaines.

☞ DISTINCTION. s. f. Dans le langage ordinaire, se prend généralement pour différence ; tout ce qui sert à distinguer les choses ou les personnes, préférence, prérogative, emploi, &c. Distinctio. Dans tous les Etats il y a de la distinction entre la Noblesse & le peuple. Le mérite met bien de la distinction entre les personnes. C’est une personne d’une grande distinction. L’universalité jointe à l’éminence des vertus guerrières, étoit le caractère de distinction de l’invincible Condé. P. Bourd. De quelque superbe distinction que se flattent les hommes, ils ont tous une même origine. Boss. On a fait une taxe générale qu’il faut que tout le monde paie sans distinction. Les barbares ont passé tous les Habitans au fil de l’épée, sans distinction de sexe, ni d’âge. Ce Prince sait bien faire la distinction des gens d’esprit, quand il distribue ses grâces. Je hais cette complaisance fade, qui applaudit à tout sans distinction. Bell. On affecte des distinctions d’honneur dans les églises mêmes, où doit s’anéantir toute la gloire humaine. Flech. La distinction doit être agréable aux personnes de qualité ; mais il faut se l’attirer, & non pas se la faire présomptueusement soi-même. S. Evr.

☞ Par les exemples qu’on vient de rapporter, on voit que le mot de distinction se prend quelque lois pour différence, comme quand on dit, faire distinction des personnes, de l’ami & de l’ennemi. Discrimen. Sans aucune distinction. Nullo discrimine, omni discrimine remoto.

☞ Quelquefois préférence, prérogative, égards qu’on a pour les personnes, comme quand on dit traiter quelqu’un avec distinction. Les distinctions qui plaisent à ceux qui les reçoivent, offensent les autres.

☞ On dit, d’un homme qui s’est distingué dans son état, que c’est un homme d’une grande distinction. On le dit de même des choses qui distinguent, emploi, charge de distinction.

☞ Enfin distinction se prend quelquefois dans la signification de division ou séparation ; comme quand on dit qu’un livre est écrit tout de suite sans distinction de Chapitres.

Distinction, en termes de Philosophie, est une négation d’identité, qui fait que, de deux ou plusieurs choses, l’une n’est pas l’autre. Ainsi la distinction est opposée à l’identité, comme la division l’est à l’union, & la diversité à la similitude. Etre distingué, c’est n’être pas la même chose, ou, selon le langage des Philosophes, n’avoir pas la même identité ; & dire que deux choses sont distinguées, c’est dire que ce n’est pas la même chose, que l’une n’est pas l’autre.

☞ Ainsi la distinction est la négation d’identité ; la séparation est la négation d’unité ; & la diversité est la négation de similitude. Il ne faut donc pas confondre ces trois choses, distinction, division on séparation, & diversité, comme on le fait ordinairement.

Il y a en général deux espèces de distinctions, qui se subdivisent encore en d’autres. La première, est la réelle, & la seconde, la mentale, ou la distinction de raison. La distinction réelle, realis, est celle qui est entre les choses distinctes, & dont l’une n’est pas l’autre. Cette distinction peut être entre des choses qui ne peuvent pas exister séparément les unes des autres, comme les personnes divines, qui sont distinctes l’une de l’autre, sans pouvoir exister séparément l’une de l’autre. Et de même il peut y avoir séparation sans différence ni distinction. Par exemple, le corps de Jésus-Christ, dans l’Eucharistie, & à Paris & à Rome, est le même. Voilà de la séparation ; il n’y a cependant ni différence, ni distinction. Il peut être consumé & détruit, selon son être eucharistique, à Paris, & être conservé à Rome, quoique ce soit le même corps. Mais ordinairement & naturellement parlant, nous jugeons que deux choses, dont l’une peut exister sans l’autre, sont distinguées réellement.

La distinction de raison ou mentale, rationis, ou mentalis, est celle que notre esprit met entre des choses qui ne sont pas réellement distinctes, en les concevant comme si réellement elles l’étoient, & sous deux idées différentes. Telle est la distinction que nous mettons entre les facultés de l’ame ; c’est toujours la même ame, mais conçue tantôt comme rappelant les choses passées, tantôt comme voulant.