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Il y a encore une distinction formelle, formalis, qui est celle qui se trouve entre les formes ou formalités, & perfections inséparables l’une de l’autre, aussi bien que du sujet où elles sont, & dont cependant l’une n’est pas l’autre, indépendamment de toute pensée de l’esprit. On l’appelle Scotistique, parce que Scot en est l’Auteur. Les Scotistes prétendent que cette distinction se trouve entre les facultés de notre ame, & entre ce qu’on appelle dans l’école les dégrés métaphysiques, c’est-à-dire, les propriétés ou perfections différentes d’un même être, comme la corporéïté, l’animalité, la rationabilité.

Enfin la distinction virtuelle, virtualis, qui est moins une distinction que la distinguibilité, ou le fondement de la distinction mentale ; c’est l’équivalence d’une seule chose, à plusieurs choses réellement distinguées. Ainsi, dès-lors qu’une chose, à raison de ses différentes perfections, équivaut à plusieurs, on conçoit entre ses propriétés ou perfections une distinction virtuelle. C’est celle que les Thomistes admettent : de sorte que ce que les Scotistes appellent distinction formelle, les Thomistes la nomment distinction virtuelle ; ou bien les choses ou propriétés entre lesquelles les Scotistes disent qu’il y a une distinction formelle, les Thomistes n’y mettent qu’une distinction virtuelle.

Il y a aussi la distinction modale, modalis, qui se rencontre entre les modes & les substances.

☞ On appelle aussi distinction dans les écoles, l’explication des divers sens qu’une proposition peut recevoir. Quand une proposition est équivoque & peut recevoir plusieurs interprétations, on la distingue, en expliquant dans quel sens elle est vraie, dans quel sens elle est fausse : Et l’on appelle distinctions de l’école, les distinctions en usage dans les disputes de l’école.

Les distinctions Philosophiques ne sont bien souvent que des chicanes & des échapatoires. Les Théologiens ont multiplié les disputes à force de distinctions. S. Evr. Il y a des docteurs qui discourent avec tant de subtilité, qu’il n’y a point de difficulté dont il ne se tirent à la faveur de leurs distinctions.

Distinction. Terme du Droit Canonique. La première partie du Décret de Gratien est divisée en CI. distinctions ; & chaque distinction est subdivisée par chapitres. Voyez DÉCRET.

DISTINGO. s. m. Terme Latin qui n’a d’usage que dans l’Ecole, ou en style familier : il signifie, Je distingue. On s’en sert pour se défaire d’un argument, ou pour éclaircir & développer une proposition ambiguë, qui peut être vraie dans un sens, & fausse dans un autre. Ce Répondant étoit fort pressé : mais il s’en est tiré par un distingo. J’appréhende furieusement le distingo. Molière fait dire par Thomas Diafoirus à sa Maîtresse, qui lui disoit, qu’il faut être soumis aux volontés de ce qu’on aime : distingo, Mademoiselle ; pour l’intérêt de son amour, concedo : contre la passion, nego.

☞ DISTINGUER. v. a. Discerner par les sens ou par l’opération de l’esprit. Distinguere, discriminare. Distinguer l’un de l’autre. Unum ab alio secernere. La nuit étoit si noire, que nous ne pouvions plus distinguer les objets. Distinguer un bon écu d’avec un mauvais. Distinguer les sons, les odeurs, les couleurs. Je connoissois toute la tendresse de votre ame, & j’aurois distingué tous ses mouvemens entre tous les autres. Lettr. Port.

Distinguer, signifie encore séparer, marquer la différence. Distinguer un habile homme d’avec un ignorant. Artificem ab inscio distinguere, mettre de la différence entre l’un & l’autre. Distinguer le vrai du faux. Vera a falsis, ou falsum vero distinguere. Il faut distinguer les divers chefs de ses demandes. Distinguer les intérêts des Princes, c’est une science rare que de savoir bien distinguer.

Distinguer & séparer, considérés dans une signification synonyme. On distingue, dit M. l’Abbé Girard, ce qu’on ne veut pas confondre. On sépare ce qu’on veut éloigner.

☞ Les idées qu’on se fait des choses, les qualités qu’on leur attribue, les égards qu’on a pour elles, & les marques qu’on leur attache, ou dont on les désigne, servent à les distinguer. L’arrangement, la place, le temps & le lieu, servent à les séparer. Vouloir trop se distinguer des personnes avec qui nous devons vivre, c’est leur donner occasion de se séparer de nous. La différence des modes & du langage, distingue plus les nations que celle des mœurs. L’absence sépare les amis sans en désunir le cœur.

☞ Dans les écoles, on dit distinguer une proposition ; c’est marquer les divers sens qu’une proposition peut avoir, pour l’accorder dans le sens où elle est vraie, & la nier dans le sens où elle est fausse. Voyez Distinction & distingo.

Distinguer, signifie encore élever au-dessus des autres, tirer du commun. La vertu, le mérite, la naissance, les grandes charges, &c. distinguent les hommes. Si son rang le distinguoit, il étoit encore plus distingué par son mérite. Boss.

☞ Se distinguer, se signaler, se rendre recommandable. Il s’est distingué par sa valeur. La vanité de se distinguer, fait oublier aux hommes leurs devoirs les plus sacrés, & leurs obligations les plus essentielles. S. Real. Il y a des personnes qui se montrent outrées de douleur à la mort de leurs amis, pour se faire remarquer, & distinguer des autres. M. Esp.

Distingué, ée. part. Cet Officier est un homme fort distingué, fort au-dessus des autres. J’ai pour vous une estime distinguée. Il est d’une naissance distinguée.

On est riche sans bien, distingué sans emploi,
Quand on ne veut chercher son bonheur que chez soi.

DISTIQUE. s. m. Couplet de vers, ou Poësie dont le sens est contenu en deux vers. Distichum. Il y a de belles moralités dans les Distiques de Caton. Voy. de Vigneul-Marville sur les Distiques de Caton, T. 1. p. 54. 55.

DISTORSION. s. f. Terme de Médecine. Contraction d’une partie du corps qui se tourne d’un seul côté, par le relâchement des nerfs. On appelle distorsion de bouche, la contraction ou le raccourcissement qui se fait d’un seul côté de la bouche : elle arrive quand il n’y a que les muscles d’un côté du visage qui souffrent convulsion, ou paralysie. Lorsque la distorsion de la bouche vient de la convulsion, elle se fait du même côté où est la convulsion, parce que la force de la partie qui est en convulsion, est plus grande que celle de la partie saine : au contraire, lorsqu’elle vient de paralysie, elle se fait du côté opposé, la partie paralytique étant emportée par la saine. Dans la distorsion de la bouche, le malade ne peut cracher que d’un côté, & si on le fait rire, ou qu’on l’oblige à prononcer la lettre O, on s’appercoit aisément qu’il ne remue qu’un côté de la bouche. Les Latins appellent cette maladie convulsio oris, & les Grecs σπασμὸς κυνικὸς. Il y a aussi, une distorsion de l’œil qu’on nomme œil louche, ou strabisme. Voyez LOUCHE.

DISTRACTION, s. f. Terme de Palais. Séparation d’une chose avec un autre ; démembrement. Distractio, Disjunctio. On a jugé son opposition pour la distraction d’une terre qu’il prétendoit. On a fait la distraction des sommes qui ne lui appartenoient pas dans ce paiement. Il a été condamné à l’amende pour la distraction du ressort.

C’est, en matière de dépens, l’attribution ou adjudication que demande à son profit le Procureur de la Partie qui a gagné sa cause, d’une portion des deniers, au paiement desquels est condamnée l’autre Partie, pour se payer des salaires qui lui sont dus.

Distraction, en morale, désigne généralement