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V
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LOU


est grand, gras, épais, couvert de moyennes écailles, ayant une grande & longue tête, avec une grand ouverture de gueule. Rond. Lupus, ou lucius marinus. Les loups marins de la mer du Sud, y sont en si grand quantité, qu’on voit souvent les rochers couverts autour de l’île de la Quiriquine : ils diffèrent des loups marins du nord, en ce que ceux-là ont des pattes, au lieu que ceux-ci ont deux nageoires alongées à peu près comme des ailes vers les épaules, & deux autres petites qui enferment le croupion. La nature a néanmoins conservé au bout des grandes nageoires quelque conformité avec les pattes ; car on y remarque quatre ongles, qui en terminent l’extrémité, peut être parce que ces animaux s’en servent pour marcher à terre, où ils se plaisent fort, & où ils portent leurs petits, qu’ils nourrissent de poisson, & qu’ils caressent, à ce que l’on dit, tendrement. Là ils jettent des cris semblables à ceux des veaux, d’où vient qu’on les appelle dans plusieurs Relations, Veaux marins ; mais leur tête ressemble plutôt à celle d’un chien, qu’à tout autre animal ; & c’est avec raison que les Hollandois les appellent Chiens marins. Leur peau est couverte d’un poil fort ras & touffu ; leur chair est fort huileuse, de mauvais goût : on n’en peut guère manger que le foie ; néanmoins les Indiens du Chiloé la font sécher, & en font leurs provisions pour se nourrir. Les vaisseaux François en tirent de l’huile pour leurs besoins. La pêche en est fort facile ; on en approche sans peine à terre & en mer, & on les tue d’un seul coup sur le nez. Il y en a de différentes grandeurs ; dans le Sud ils sont gros comme de bons mâtins, & au Pérou on en trouve qui ont plus de 12 pieds de long. Leur peau sert à faire des Balsas, ou balons pleins d’air, dont les Américains se servent au lieu de bateau. Frézier, p. 75. On voit quantité de loups-marins au Chili, tant à terre qu’à la mer. Les Hollandois les appellent Lions marins, & quelques-uns Veaux marins, parce qu’ils jettent un cri semblable à celui d’un veau. D’autres les appellent Chiens marins, parce qu’ils ont la tête assez semblable à celle d’un chien. Les Espagnols les nomment comme nous, loups marins. Ils sont amphibies.

☞ On trouve dans les Mémoires de l’Acad. t. 3. part. I. la description de cet animal. On remarque que ses poumons sont partagés en deux lobes : son cœur est rond & plat, & l’on y voit deux ventricules fort grands. Ces deux ventricules communiquent ensemble par le trou ovale, qui ne se ferme pas, comme dans les animaux terrestres, quelque temps après leur naissance ; mais qui laisse circuler le sang du ventricule droit dans le ventricule gauche sans passer auparavant par les poumons.

☞ D’où l’on doit conclure que le loup marin doit vivre aussi facilement dans l’eau que dans l’air.

☞ Pour s’en convaincre il faut remarquer 1°. que dans les hommes & dans tous les animaux terrestres, le sang va de la veine cave dans le ventricule droit du cœur ; du ventricule droit dans l’artère pulmonaire ; de l’artère pulmonaire dans la veine pulmonaire ; & de la veine pulmonaire dans le ventricule gauche.

2°. Que la poitrine des hommes, comme celle de tous les animaux terrestres, a deux mouvemens, l’un d’inspiration & l’autre d’expiration. Dans le premier elle se dilate, & reçoit l’air extérieur : dans le second elle se retrécit, & elle rend l’air extérieur qu’elle avoit reçu.

3°. Lorsque dans le mouvement d’expiration la poitrine se retrécit, les poumons en même temps se compriment, & le sang qu’ils avoient reçu du ventricule droit du cœur par l’artère pulmonaire, est obligé de se rendre dans le ventricule gauche par la veine pulmonaire. C’est pour cela sans doute que la respiration est absolument nécessaire à la vie de l’homme & de tous les animaux terrestres, puisque sans ces mouvemens alternatifs d’inspiration & d’expiration, le sang n’auroit pas son mouvement de circulation.

☞ Il n’en est pas ainsi du loup marin, & de tous les animaux amphibies. Comme ils ont le trou ovale ouvert, leur sang va du ventricule droit au ventricule gauche du cœur, sans passer auparavant par les poumons. Il a donc son mouvement de circulation dans le temps même qu’ils ne respirent pas, & par conséquent ces sortes d’animaux peuvent vivre dans l’eau.

☞ On peut appliquer ce principe à quelques effets analogiques à celui dont on vient de parler.

1°. Les enfans n’ont pas besoin de respirer dans le sein de leur mère ; parce que leur sang va du ventricule droit au ventricule gauche du cœur par le trou ovale qui ne se ferme que quelque temps après leur naissance.

2°, Veut-on savoir si un enfant trouvé mort est venu au monde mort ou en vie ? On n’a qu’à mettre un morceau de son poumon dans l’eau. S’il va au fond, l’enfant étoit mort avant de naître, & s’il nage, l’enfant est venu au monde en vie.

☞ En effet, si l’enfant étoit venu au monde en vie, il auroit respiré ; s’il eût respiré, il seroit resté de l’air dans ses poumons ; s’il fût resté de l’air dans ses poumons, ils auroient été relativement plus legers qu’un pareil volume d’eau, & par conséquent ils auroient surnagé. On doit donc conclure que s’ils vont au fond, l’enfant étoit mort avant que de naître ; & que s’ils nagent, l’enfant est venu au monde en vie.

3°. Ce qui cause la mort des noyés, n’est pas l’eau qu’ils boivent, puisqu’ils en avalent peu ; c’est qu’ils ne peuvent pas respirer dans l’eau.

4°. Ceux qui demeurent long temps dans l’eau, sans avoir besoin de respirer, tels que sont les Pêcheurs de perles, doivent avoir le trou ovale ouvert.

☞ Pline dit que l’on faisoit voir à Rome des loups marins qui répondoient quand on les appeloit, & qui de la voix & du geste saluoient le peuple dans les Théâtres. Sévérinus dit aussi qu’il y a eu un loup marin qui témoignoit de la joie, quand on nommoit les Princes Chrétiens, & de la tristesse, quand on nommoit les Mahométans. Credat Judaeus.

Dent de Loup, est un outil dont se servent les Graveurs, Orfévres & Doreurs, pour polir leurs ouvrages. Dens laevigatorius. C’est en effet une dent de loup, attachée à un manche.

Loup, est aussi un terme de Libraire, qui signifie un instrument de bois, fait en manière de triangle, dont on se sert pour dresser les paquets, lorsqu’ils sont cordés. Triangulus Typographicus.

Loup des Anciens. C’étoient des ciseaux courbes & dentelés, attachés au bout d’un cordage, avec lesquels on pinçoit le bélier, en le détournant à droite ou à gauche. Cette machine faisoit le même effet que les lacs courans.

Loup, est aussi un petit morceau de latte, au bout duquel les enfans attachent une petite corde, avec laquelle ils font tourner cette latte en l’air ; ce qui faisant un bruit qui a quelque chose du hurlement d’un loup, a été cause que les enfans ont appelé Loup ce morceau de latte. Assiculus rotatilis.

Vesse de Loup, est une espèce de Champignon. Voyez au mot Vesse.

On appelle Saut de loup, un fossé assez large pour n’être pas franchi par un loup, & qu’on creuse au bout des allées d’un parc, pour les fermer, sans leur ôter la vue de la campagne.

Loup, se dit figurément en Morale, d’un Hérétique, d’un hypocrite, ou d’un ennemi de l’Église. Jésus-Christ nous avertit de nous garder de ceux qui viennent avec des habits d’agneaux, & qui dans l’intérieur sont des loups ravissans. Qui veniunt ad vos in vestimentis ovium, intrinsecùs autem sunt lupi rapaces. Le peuple les appelle des Pattes de loup, des pattes pelues.

Loup, se dit figurément aussi des personnes malignes, médisantes.